Hyères - Journées Nationales 1988

Le psychiatre, le malade et l'Etat

La folie a été considérée jusqu’à une période récente comme surnaturelle, liée au péché, comme une vengeance des Dieux, comme une perversion des humeurs à éviter par la Sagesse (Hippocrate) ou comme un désordre moral d’origine satanique. Sous l’Inquisition, qui s’acharnera sur les fous, « les lois deviennent furieuses » (Montesquieu). Le fou, le sorcier et l’hérétique sont stigmatisés de la même malédiction.

La Renaissance impose le renoncement au châtiment mais se révèle incapable, malgré le surgissement de grandes idées éclairées (« Éloge de la folie »), d’offrir d’autre solution que l’enfermement que le XVIIe siècle, siècle de la Raison d’État, aggravera en l’appliquant à l’ensemble des exclus. La philosophie des Lumières précédera la Révolution française dont il faut souligner l’acte fondateur du statut moderne du citoyen et de la médecine aliéniste. Le Fou devient un égal. La volonté de le soigner se fait jour. Seuls les moyens conceptuels et pratiques font défaut et, du bûcher à la camisole chimique, les pessimistes ne verront aucun progrès.

L’État moderne, gestionnaire et sécurisant, crée une législation humanitaire de protection et de prévention en faveur des malades mentaux.

Le psychiatre doit, comme tous les citoyens, appliquer la loi sans pour autant négliger d’apporter son savoir et sa réflexion à la correction de cette loi avec, comme premier objectif, le respect de la liberté du malade. Mais les meilleures lois ont un effet pervers et, si les murs de l’asile se sont lézardés, la loi du 30 juin 1838 demeure et l’article 64 du Code pénal (1810) continue à nier l’existence du crime et du délit du « dément ».

L’évolution de la psychiatrie et l’instauration de la Sécurité sociale nous offrent les conditions économiques de l’émergence d’une demande de soins par individu. Cette évolution et cette demande ont permis l’éclosion d’une psychiatrie privée qui honore les acquis historiques de notre pays concernant les droits et le respect de la personne. L’État exerce-t-il un contrôle économique et politique excessif sur notre exercice ou nous offre-t-il les conditions de la liberté ? Le malade est-il un opposant ou un être de souffrance ? Le psychiatre est-il l’agent de la normalisation ou bien celui qui, à l’écoute de cette souffrance du sujet, fonde une nouvelle rigueur scientifique susceptible de bouleverser une nosographie trop marquée par les exigences de la société ?

Le souci de nos Journées a été d’interroger chacun des pôles de cette triade bien au-delà des facilités des modes récentes, et de permettre l’émergence du soin dans l’optimum de rigueur et de liberté.