Paris - Journées Nationales 1989

Peurs

Le psychiatre dans sa pratique : Clinique – Imaginaire - Réalités

Les peurs, qu’elles soient d’objet, d’une production imaginaire ou sans objet (angoisses), sont de tous les moments de l’existence et de toutes les époques.

Collectives, elles nous arrivent à travers mythes et légendes. Elles ont depuis toujours été sujet d’étude de la part des historiens et de réflexion de la part des philosophes. Ces derniers n’ont pas perçu que leur rôle négatif : elles annoncent la perfection de l’être humain et suscitent en réaction la liberté.

Individuelles, elles accompagnent l’être humain tout au long de son existence.

Le psychiatre ne peut rester indifférent aux peurs collectives dans lesquelles l’inconscient de l’individu aboutit à l’imaginaire social qui s’affronte à la réalité. Il est quotidiennement, dans sa pratique, confronté aux peurs individuelles. Toute souffrance psychique trouve sa source dans une peur, une angoisse, un danger.

Au-delà de la peur exprimée par l’autre, il y a la propre peur du psychiatre : peur réelle du passage à l’acte suicidaire, peur imaginaire du duel de deux inconscients, de son engagement dans la relation thérapeutique et de ses limites à la contrôler : la peur a donc sa part dans les interactions psychiatre-patient.

Par-delà sa peur salutaire, le psychiatre devra prendre en charge les peurs diversement exprimées de ses malades, qu’il s’agisse des phobies névrotiques, de celles des psychoses, des états-limites, des névroses post-traumatiques, des psychoses et pour être « à la mode »… celles des attaques de panique.

Le praticien traquera aussi la peur sous le masque des affections psychosomatiques chez des sujets sans défense névrotiques ou psychotiques, et il n’oubliera jamais que rien n’est plus organique, donc biologique, qu’une émotion lorsqu’elle reste en dehors du champ symbolique.

Toutes les peurs, individuelles ou collectives, se ramènent en définitive à la peur de la mort (ou plutôt de l’idée de la mort qui est « la peur de l’inconnu » et surtout « de quelque chose qui ne sera jamais connu ») et à la peur de l’autre, celui qui peut anéantir, c’est-à-dire bien souvent soi.

Les peurs pathologiques sont génératrices de souffrance et nécessitent l’intervention du psychiatre. Celui-ci cherchera soit à ramener à la conscience des souvenirs vulnérants, soit à aménager la relation réelle. La symbolisation de l’horreur reste une entreprise difficile. Peut-être faut-il dans certains de ces cas savoir se contenter d’une approche comportementale qui désensibilise le sujet et l’aide à une affirmation de soi. Quant aux thérapeutiques cognitives, trop intellectuelles pour réduire les croyances irrationnelles du patient, elles sont peu efficaces. La chimiothérapie a des effets utiles mais limités. Du reste, la peur pourra-t-elle être totalement vaincue ? Le croire serait encore agir sous son emprise !