Réflexions autour de l'assemblée générale de l'AFPEP-SNPP du 19 octobre 1997
Tenue au lendemain des XXVII° Journées Nationales de la Psychiatrie Privée, l'Assemblée Générale 1997 est venue conclure un exercice particulièrement riche en événements. Séparation des conventions des généralistes et des spécialistes, signature de la convention des spécialistes par un syndicat à la représentativité usurpée, grèves et manifestations massives du printemps dernier contre la réforme de l'Assurance Maladie, signature individuelle de la convention par chaque médecin, signature de l'avenant conventionnel n°1 instaurant le principe du médecin référent et enfin actuellement remous autour du problème de la télétransmission des feuilles de soin : autant de temps forts d'une année très tumultueuse sur le plan syndical.
Notre Assemblée 1996 avait eu lieu au moment où commençait à se dessiner la menace confirmée dans les mois suivants, de conventions séparées pour les médecins généralistes et spécialistes. Anticipant les dangers que cette division pouvait entraîner pour l’exercice privé de la psychiatrie, elle s’était attachée à définir les dispositions spécifiques qui devraient absolument être défendues pour en maintenir la qualité. Ces dispositions spécifiques étaient les suivantes : le libre accès du patient au psychiatre de son choix, la confidentialité, le maintien du CNPSY comme lettre clé unique de l’acte du psychiatre en pratique ambulatoire et la mise en place d’une Formation Médicale Continue adaptée aux particularités de notre discipline.
Un an plus tard, les enjeux restent fondamentalement les mêmes. Bien que le nouveau pouvoir politique donne l’impression d’avoir plus ou moins écarté la réforme de l’Assurance Maladie de ses préoccupations les plus urgentes, n’oublions pas que le plan Juppé contre lequel nous nous sommes tant battus depuis deux ans n’a pas un seul instant été remis en cause. Perçu comme une «réforme de gauche», il convient au gouvernement actuel qui aura eu en outre l’opportunité de le trouver déjà en place à son arrivée au pouvoir sans en assumer le coût politique. N’oublions donc pas que, s’il est vrai que le ton a changé et que ce gouvernement souhaite sincèrement obtenir l’accord de la profession sur cette réforme, rien n’en a été retiré : les enveloppes budgétaires assorties des sanctions financières en cas de dépassement restent d’actualité, la F.M.C. obligatoire va se mettre en place bien que les démêlées du FAF-MEL l’ait paralysée pratiquement tout au long de l’année et les expérimentations de filières et de réseaux en tous genres sont plus que jamais à l’ordre du jour depuis la signature de l’avenant conventionnel n°1.
Sur ce dernier point, l’hostilité farouche des grandes centrales syndicales (CSMF, FMF et SML) contre l’avenant conventionnel ne doit pas faire oublier que ces dernières sont prêtes à encourager des réorganisations du système de soins qui, fondamentalement, vont dans le même sens. Filières ou réseaux ? C’est cette question qui anime actuellement le débat syndical mais il semble déjà archaïque de prendre position à la fois contre l’un et l’autre, comme si ces deux points fondamentaux que sont le libre accès et la confidentialité n’en dépendaient pas.
Il en va de même pour les questions directement liées à l’informatisation. Qu’il s’agisse de l’introduction des PMSI dans les établissements hospitaliers privés en psychiatrie ou bien de la télétransmission des feuilles de soins, c’est, en aval, le problème du codage des actes et des pathologies qui est posé, et au-delà les enjeux politiques de la circulation de l’information dans le titanesque projet de Réseau Santé Social qui est en train de se mettre en place, sinon dans l’indifférence générale, du moins sans que son principe même soit véhémentement contesté par l’ensemble de la profession.
Il s’agit pourtant d’une tout autre ambition que le projet initial de télétransmission des feuilles de soins. Élaborer et financer un réseau de télécommunication reliant tous les acteurs de soins et vraisemblablement aussi du champ social, doter ce réseau de technologies de cryptage si sophistiquées qu’elles surpassent celles utilisées par les réseaux de transmissions militaires : pourquoi pas ? Mais pour y faire circuler quelle information ? Et surtout à quelles fins ? Ce déploiement impressionnant de moyens est-il investi dans le seul intérêt des patients ou constituera-t-il à terme l’outil fondamental de la maîtrise économique de l’ensemble des soins dispensés dans le pays ? Autant de questions sans réponses claires actuellement mais qui laissent perplexe quant à la possible (?) articulation de la pratique psychothérapique à ce panoptikon cybernétique.
N’oublions pas enfin la formation médicale continue. La longue paralysie du FAF due aux affrontements syndicaux dont il a été le cadre a pu laisser l’impression d’une accalmie trompeuse mais le processus s’est remis en mouvement en cette fin d’année. Une pesanteur bureaucratique accablante va bientôt s’abattre dans ce domaine au risque de stériliser la vitalité qui anime de longue date les multiples associations locales, régionales ou nationales de F.M.C. Mais, ici encore, quelle voix s’élève au sein des grandes centrales syndicales pour mettre en garde contre cet engluement technocratique ?
La question se pose donc de manière bien plus aiguë encore que l’an passé de savoir si le S.N.P.P. doit calquer son attitude sur celle des autres structures représentatives de la profession ou bien baser sa politique uniquement sur les spécificités de la pratique privée de la psychiatrie.
C’est selon cette seconde option que le Bureau du S.N.P.P. a travaillé tout au long de l’année. C’est ainsi que nous avons été amenés à prendre des initiatives propres telles que, pour n’en rappeler que deux, une rencontre avec le cabinet du Secrétaire d’État à la Santé durant l’été dernier pour défendre la nécessité de l’accès direct et de la confidentialité et la mise en place au niveau des régions de structures fédératives ouvertes afin de conférer aux diverses associations locales de F.M.C. une représentativité réelle au niveau des CRFMC.
Pour autant nous n’avons pas négligé de nous investir vigoureusement dans toutes les actions intersyndicales qui étaient de nature à défendre notre conception de la médecine. Ainsi avons-nous systématiquement participé à toutes les manifestations du printemps dernier, où nous avons été les seuls représentants de la psychiatrie. C’est aussi dans cet esprit, pour faire valoir notre conception de la psychiatrie, que nous avons travaillé au sein de la CSMF comme d’autres structures - que nous avons développé notre participation à l’UNAFORMEC et fait valoir, notamment dans le cadre de la Fédération Française de Psychiatrie, nos conceptions quant à des modalités de formation médicale continue appropriées à la psychiatrie privée.
C’est afin de poursuivre dans cette voie, pour affirmer plus clairement encore que notre politique syndicale se fonde en priorité sur ce que nous pensons être judicieux pour la qualité des soins en psychiatrie libérale que cette Assemblée Générale 1997 a renoncé à voter des motions isolées et a décidé de synthétiser le fruit de ses débats dans une déclaration plus générale que vous avez déjà reçue, mais que vous trouverez rappelée ci-après et qui constitue le socle de notre travail pour 1998.