A propos du contrat de financement

Gérard Bles
Retour au sommaire - BIPP n° 15 - Janvier 1998

Les praticiens ont reçu, il y a quelques jours ou quelques semaines, un contrat déjà signé par les directeurs de Caisses Primaires et dont ils n’avaient évidemment pas à discuter les termes. Les polémiques se sont rapidement développées autour de cet engagement, du fait de la grande majorité des syndicats ou plus récemment de l’Ordre, m ais tout autant du fait des praticiens eux-mêmes, et notamment de nos adhérents. La discussion a pu paraître complexe et confuse à beaucoup d’entre vous, puisque s’y entrecroisent plusieurs mises en question : le fameux contrat, le principe de la télétransmission des feuilles de soins elles-mêmes avec, en arrière plan, la mise en circulation de la carte Sesam-Vitale II avec son volet médical et les codifications qu’il peut impliquer - voire en dernier ressort la place de l’informatique elle-même dans la pratique médicale, et plus particulièrement psychiatrique, d’aujourd’hui et de demain. Débat à plusieurs niveaux donc, dont les protagonistes n’ont pas tous les mêmes cibles en ligne de mire, qui cherchant des armes politiques, qui se préoccupant prioritairement d’éthique, qui en encore se souciant «simplement» de bonne gestion, bien légitimement celle de son propre cabinet ou encore, dans une implication civique et sociale louable, celle de l’Assurance Maladie elle-même.

Dans ces conditions, il nous est apparu nécessaire de procéder à un effort de sériation et de clarification des problèmes afin de permettre à chacun de se déterminer à bon escient.

1 - L’informatique, comme instrument de travail et de communication, représente une évolution technique et culturelle incontournable, en tout cas pour les jeunes générations. On n’a pas à être pour ou contre dans son principe : cela serait vain. On peut par contre s’interroger sur la place qu’elle pourrait tenir dans le travail du psychiatre. Une chose est le traitement de texte, l’É-mail, la documentation, la recherche, notamment en épidémiologie, une autre l’utilisation qu’en peuvent avoir déjà nombre de médecins comme instrument de saisie du dossier médical et d’exploitation de logiciels comme l’aide au diagnostic ou l’aide à la prescription. Il parait mal concevable à beaucoup d’entre nous que l’ordinateur vienne physiquement (et fantasmatiquement) s’interposer entre le patient et le thérapeute. Mais il s’agit là d’une forme d’exploitation particulière qui n’implique pas la récusation de l’instrument en tant que tel.

2 - La télétransmission ouvre déjà à beaucoup plus d’interrogations, surtout dans ses potentialités d’évolution. Alain Richard vous en propose plus loin une analyse «politique». Sera-t-elle à terme inéluctable et imposée ? Il s’agit en fait d’une obligation conventionnelle (article V) à partir du moment ou Sesam-Vitale sera opérationnel depuis plus de 9 mois - mais sans obligation d’un taux minimal de transmission, alors que le même article V prévoit une participation financière des Caisses aux frais engagés. Restant à savoir si l’obligation de télétransmettre s’appliquera non seulement aux documents comptables (feuille de soins) ou également, avec Sesam-Vitale II, à la communication d’informations médicales «codées» - ce que, psychiatres, nous récusons, et à l’égard de quoi nous entendons obtenir une «exception» ? Nous n’avons pas le pouvoir de bloquer des évolutions techniques imposées par les tutelles. Nous avons le devoir de soutenir l’intérêt de nos patients, c’est-à-dire, en particulier, leur droit à une confidentialité absolue.

Il convient donc d’obtenir, pour ce qui concerne la psychiatrie, non tant des assurances verbales aussi lénifiantes soient-elles, que des garanties écrites quant à la préservation du secret dont le cryptage des informations, même sophistiqué, ne peut tenir lieu.

3 - Le contrat dit d’accompagnement à l’informatisation pose une série de problèmes en soi, indépendamment de ses objectifs, la télétransmission et, rapidement, l’exploitation de Sesam-Vitale II.

Ce contrat instaure en effet une série de contraintes unilatérales, dont le non-respect entraînera l’obligation de reverser la subvention de 9000 francs proposée. Brièvement, il s’agit :

- de se doter bien évidemment de l’équipement nécessaire à télétransmettre, y compris les logiciels labellisés appropriés, équipement énuméré dans le contrat et d’un coût largement supérieur à la subvention;

- de télétransmettre 90 % des flux de facturation dans un délai de 9 mois après la mise en place de Sesam-Vitale dans la région considérée;

- de souscrire un contrat de maintenance et d’assistance garantissant toute rupture de télétransmission supérieure à 2 jours ouvrés, contrat d’un coût mensuel nécessairement élevé (même s’il n’est pas supérieur à 700 francs comme celui de MG. France);

- de suivre une formation spécifique agréée (et payante...).

Toutes ces obligations sont liées à l’obtention de la subvention et non au principe de la télétransmission elle-même. Or, ni l’article V de la Convention, ni l’avenant conventionnel de juillet 1997 ne lient cette subvention à la réalisation d’un taux minimal (90 % !) de télétransmission. Le taux (et l’obligation d’un contrat de maintenance très lourd) résulte du seul contrat actuellement proposé.

La subvention, quant à elle, s’inscrira dans les recettes professionnelles et comme telle s’avère passible de charges et d’impôts (sans qu’il y ait par ailleurs rétrocession de ces charges si elle doit être remboursée). A titre d’illustration, l’un de nos adhérents, Jean-Charles Luizard, s’est livré à une méditation comptable que vous pourrez lire plus loin. Même si l’on peut ergoter sur la validité de tel ou tel aspect de son raisonnement, cette contribution (même considérée comme récupération du prélèvement exceptionnel de 96) est sensiblement moins «avantageuse» qu’il n’y parait, compte tenu des obligations qu’elle engendre. Et même si l’on tient compte des déclarations «rassurantes»... et séductrices de tel ou tel directeur de CPAM, un contrat est un contrat, tôt ou tard opposable, alors que le plus grand nombre d’organisations professionnelles, à commencer par l’Ordre, s’accordent à le reconnaître comme «déséquilibré», «léonin», susceptible de «porter atteinte à l’indépendance du médecin»... Ces mêmes organisations en recommandent soit le refus pur et simple, soit à tout le moins une temporisation pour sa signature, le délai d’adhésion paraissant devoir être reporté, ce qui autoriserait d’éventuelles négociations sur sa teneur.

Dans tous les cas, il apparaît, en droit, que la subvention est exigible (hors contrat) dès lors que l’obligation conventionnelle de télétransmission est réalisée. Restant aux organisations syndicales à faire respecter ce droit.

Le S.N.P.P. quant à lui, a diffusé le 11 décembre une lettre à ses adhérents dont vous retrouverez la teneur essentielle en fin de dossier.

Encore une fois, nous y insistons, il convient de réfléchir sur chacun des trois niveaux du problème de façon distincte même si, bien évidemment, ils sont corrélables entre eux. Et ne pas hésiter à nous faire connaître votre position personnelle afin d’enrichir la discussion...

Gérard BLES


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