Deuxième souffle

Antoine Besse
Retour au sommaire - BIPP n° 36 - Septembre 2003

Les États Généraux de la Psychiatrie, en disant fortement ce qu’est philosophiquement la psychiatrie et ce qu’elle n’est pas, ont répliqué à toutes les tentations de déqualification et de volonté gestionnaire de mettre le soin psychiatrique en équation.

Les États Généraux de la Psychiatrie ont été un événement très fort qui a remis en place toutes les priorités et les fondamentaux de notre discipline rassemblés dans un socle théorique qu’il fallait rappeler. En effet, les modes scientistes et réductionnistes s’associant à une autocratie technologique voulaient limiter la psychiatrie au rang d’une partie de la médecine oubliant sa véritable spécificité et sa grande humanité.

En associant les infirmiers, les psychologues et les travailleurs sociaux, sans oublier les associations de patients et leurs familles, c’est le caractère multiprofessionnel de notre discipline qui y a été solennellement affirmé.

Enfin, la présence des responsables des principaux courants de la psychanalyse a été également très importante pour rappeler son apport et sa place de première importance sans exclusive à l’égard des autres paradigmes qui ont enrichi notre discipline au cours de son histoire.

En nous adressant à tous les citoyens du pays, nous avons eu un écho de la presse d’une ampleur jamais encore égalée.

Les psychiatres libéraux tout au long de ces États Généraux de la Psychiatrie auront été le fer de lance de ce mouvement réunissant pour la première fois l’ensemble des syndicats de psychiatres et des associations scientifiques rejoints par les autres professionnels du soin en psychiatrie.

Hélas, quelle ne fut notre déception en rencontrant le Ministre J.-F. Mattei devant l’énorme décalage entre les États Généraux de la Psychiatrie avec leurs 22 points d’urgence et la réponse de celui-ci. Cette réponse est plus proche du déni de notre réalité (à part quelques points) que d’une quelconque compréhension. La "chimiocratie" en sortirait renforcée, le scientifiquement correct (selon le Ministre) était même convoqué à refaire d’autres E.G.P. comme si ceux-ci n’avaient pas existé.

Tous, nous ne voulons pas que nos pratiques nous soient dictées par les idéaux liés à la seule logique gestionnaire ou technocratique. La question de l’évaluation de nos pratiques doit nous permettre d’affirmer en quoi elles sont spécifiques et peu assimilables sur ce plan aux autres disciplines médicales. C’est avec l’ANAES que nous en discutons.

Cette union s’est déjà concrétisée en ce qui concerne les psychiatres par la naissance de la Confédération Française des Syndicats de Psychiatres dont la première conférence de presse a donné le ton. Il reste à y construire une véritable solidarité entre les psychiatres de divers modes d’exercice. Nous avons la lourde responsabilité de prendre le premier tour de porte-parole.

L’élargissement de nos alliances avec nos collègues psychiatres du public (qui ne pourront soigner les pathologies mentales sans les libéraux qui soignent en direct), notre présence auprès des coordinations, ainsi que nos contacts avec les centrales syndicales autres que la CFDT impliquées dans la gestion de l’assurance Maladie montrent que nos efforts se déploient sans cesse et sans relâche.

Nous attendions du prochain RCM un signe politique fort et la reconnaissance des psychiatres libéraux dans le dispositif de soin. Malheureusement, il s’agit d’une augmentation relativement faible par rapport aux autres spécialistes libéraux, même si c’est une première victoire à mettre à l’actif de notre rude combat.

Le mouvement de protestation pour la revalorisation des honoraires ne va donc pas s’arrêter.

Il va donc falloir affronter à la rentrée une nouvelle étape. La poursuite de l’usage élargi du DE reste avec la grève de la télétransmission nos seules armes pour nous faire entendre, malgré la rudesse des sanctions en provenance des Caisses. Partout les psychiatres libéraux menacés à divers titres par les C.P.A.M. départementales se regroupent. Nous les conseillons et les encourageons à la fermeté face à des attaques procédurales formalistes et sans aucun lien avec le contexte "exceptionnel" de nos pratiques débordées. Enfin, l'iniquité, générée par l'existence des deux secteurs et l'étanchéité du secteur I, devra être combattue, y compris par voie juridique comme la décision du TASS de Nancy le laisse espérer.

Deux autres domaines restent en souffrance :

La question de l’hospitalisation en clinique privée est toujours vivement présente : nous avons rencontré l’UNCPSY qui regroupe les directeurs de cliniques (psychiatres ou gestionnaires) et proposé notre collaboration pour soutenir la place du soin dans ses projets tant de l’hospitalisation complète qu’à temps partiel et des alternatives à l’hospitalisation. La reconquête d’une place du psychiatre comme partenaire à part entière y est loin d’être acquise. Nous renouvellerons notre proposition d’être associés à part égale.

Le secteur médico-social enfin dont les avenants à la Convention 66 sont lamentablement oubliés du calendrier malgré nos efforts incessants. C’est donc le point le plus noir du délabrement du dispositif de soin abandonné au profit du seul abord social du "handicap", conséquence de la maladie et non entité statique à seulement indemniser en renvoyant les soins à l’extérieur de l’institution limités aux crises aiguës. Là, plus qu’ailleurs, nous continuons notre effort aux côtés des syndicats d’employeurs solidaires de la reconquête d’une place du psychiatre dans le médico-social.

Antoine BESSE


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