Le combat contre la télétransmission : l'exemple de l'Aube
Les directeurs des Caisses d’Assurance Maladie des Deux Sèvres viennent une nouvelle fois de s’illustrer. Document envoyé aux députés et conseillers régionaux de Champagne Ardennes ainsi qu'au Conseil de l'Ordre des Médecins et responsables des DDASS de la région.
Je souhaite attirer votre attention sur le fait que vingt médecins aubois (deux généralistes et dix-huit spécialistes dont quatre psychiatres) sont victimes de sanctions financières depuis début janvier 2003, les Caisses d'Assurance Maladie de l'Aube leur reprochant leur refus de télétransmettre (non-demande de la "Carte Professionnel Santé").
Mes confrères et moi-même sommes tout à fait partisans de la modernisation et de l'évolution des techniques. Toutefois, dans ce cas, notre "résistance", au sens le plus noble du terme, s'appuie sur des raisons éthiques et déontologiques qui touchent au fondement même de l'exercice de la médecine.
Actuellement, les renseignements transmis par la feuille de soins électronique (FSE) sont les mêmes que ceux qui sont transmis par la feuille de soins papier :
- Identité du médecin, du patient
- Éxonération ou non du ticket modérateur en rapport avec une affection de longue durée (ALD)
- Cotation des actes qui peut déjà donner une idée du diagnostic. Plus tard le codage des actes donnera une idée très précise du diagnostic.
Or l'informatique offre des capacités opératoires énormes permettant la fabrication de fichiers à grande échelle, par exemple des fichiers de patients, de certains médecins (psychiatres, cancérologues), des fichiers de personnes atteintes d'ALD (sida…). Malheureusement, l'informatique ne peut offrir aucune garantie quant au respect absolu de la confidentialité ou à la déontologie de l'utilisation des données, le piratage étant toujours possible.
C'est la porte ouverte à toutes les dérives, notamment l'utilisation mercantile et de police de ces fichiers. Le Conseil National de l'Ordre des Médecins et la Cour des Comptes l'ont clairement écrit : la télétransmission risque de nuire au secret médical et à l'indépendance de l'acte médical.
Au cours de notre histoire contemporaine, l'indexation, par toutes sortes d'autorités, des plus faibles, des plus malades, des plus touchés physiquement, a contribué à l'outrage ordinaire de la dignité humaine.
Nous pensons que toute pratique qui pourrait contribuer, même indirectement, à la constitution de listes, de fichiers expose au risque de dérives totalitaires ou mercantiles.
Une vingtaine de médecins sont donc sanctionnés parce qu'ils enfreignent une loi qui va à l'encontre du Serment d'Hippocrate ; car contrairement à ce que dit le Conseil d'État, le médecin ne pourra pas garantir le secret médical pour toutes les raisons que j'ai exposées et quelques autres.
Nelly ZERBIB