Que penser de cette convention ?

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 40 - Janvier 2005

Nous avons dénoncé cet été la Loi de Réforme de l’Assurance Maladie qui sous couvert de rationalisation des soins, via le parcours de soins et le Dossier Médical Personnel, consacrait avant tout la volonté des tutelles de formater et protocoliser nos pratiques, et l’incapacité des politiques à faire face au défi que pose à notre société l’évolution de notre système de soins. Celui-ci se caractérise par toujours plus de moyens à la disposition des patients qui formulent de leur côté toujours plus de demande.

Il y a bien sûr lieu de s’interroger sur cette dynamique qui a un coût pour notre société, mais appelle d’autres réponses que la culpabilisation des patients et des praticiens comme c’est le cas dans cette réforme.

Cette culpabilisation a permis aux politiques d’évacuer la question du coût de la médecine moderne, et des moyens à donner aux praticiens pour y faire face.

L’UNCAM n’a pas les moyens financiers ou ne veut pas honorer les soins médicaux à leur juste valeur. Les médecins libéraux en général et les psychiatres en particulier ont mené ces deux dernières années un très long et très dur combat pour dénoncer cette situation et l’inégalité insupportable qu’elle créait entre le secteur I et le secteur II.

En refusant la revalorisation du tarif opposable, les tutelles ont rendu inéluctable un espace de liberté tarifaire symbolisé par la demande d’ouverture du secteur II. Conscients de cette nécessité, mais incapables de s’y confronter, les stratèges politiques ont inventé ce système associant liberté tarifaire et culpabilisation du patient en fonction du mode d’accès pour échapper à leurs obligations réelles.

Il s’agit d’aménager un espace de liberté tarifaire encadré pour le rendre politiquement acceptable et nous pouvons déjà supposer qu’il sera la variable d’ajustement pour faire face aux exigences futures.

La convention qui nous est proposée s’inscrit par nécessité dans le cadre défini par cette loi et repose elle aussi sur le même triptyque. Parcours de soins coordonnés, Dossier Médical Personnel, Evaluation des Pratiques Professionnelles. La seule façon d’échapper à ce parcours tout à fait inapproprié à notre pratique a été de revendiquer d’emblée l’accès spécifique pour toute notre activité et la possibilité d’échapper à l’obligation d’inscription des données dans le D.M.P. En adoptant cette position, nous inscrivons la psychiatrie libérale dans une spécificité radicale qui lui permet de rester en dehors des piliers de la réforme et de la convention. C’est la revendication d’une extra territorialité qui nous place dans une position probablement tout à fait enviable pour bon nombre des autres médecins qui rejettent à juste titre un texte conventionnel porteur d’une multitude de contraintes, ouvrant sur des sanctions et sans réelles revalorisations. Les possibilités de dépassement pour accès direct pour les spécialistes risquent de s’avérer difficiles à appliquer. N’oublions pas non plus les chiffres, le plafonnement limité à 17,5 % par rapport au tarif dans le parcours de soins pour 30 % des honoraires totaux, soit un volume au plus égal à 5 % des honoraires, chiffre tout à fait en deçà des exigences de revalorisation.

Enfin, rien ne garantit que les patients feront le choix de l’accès direct plutôt que le passage préalable par le généraliste.

Nous nous sommes élevés pour la psychiatrie contre le dispositif qui reviendrait à payer pour la garantie de la confidentialité et pour la non protocolisation des soins, puisqu’à l’inverse dans le parcours de soins coordonnés, le spécialiste consulté est tenu de respecter le plan de soin déterminé par le généraliste. C’est pourquoi nous n’avons d’autre choix que celui de revendiquer l’accès spécifique pour la totalité de notre pratique. Ce serait une erreur historique que d’entrer dans une logique de partition comme le propose le S.P.F. Il s’agirait ni plus ni moins d’établir un panier de soins pour la psychiatrie comme le préconisent de longue date les tutelles et la C.S.M.F. Franchir cette ligne c’est faire un pas de plus dans la dénaturation de notre identité libérale.

Nous poursuivons cette logique d’extra territorialité en demandant un droit à dépassement technique propre, étayé sur la spécificité de la pratique psychiatrique. Quand bien même les chiffres actuels sont modérés, cette revendication est fondamentale pour notre avenir, car nous devons craindre que les évolutions tarifaires se feront préférentiellement dans un espace de liberté plus que dans la revalorisation du tarif opposable.

Yves FROGER
Lorient

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