Planification

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 40 - Janvier 2005

Si brûlante que soit l’actualité conventionnelle, elle ne doit pas faire oublier la publication imminente du Plan de Santé Mentale annoncée par Philippe Douste-Blazy dans les suites immédiates du drame de Pau.

Les propos du ministre avaient de quoi laisser craindre pour nos pratiques puisque, tout en reconnaissant l’utilité et la qualité des soins des psychiatres privés, il posait la question de savoir si ces derniers ne consacraient pas trop de temps à "faire des psychothérapies", ce que des psychologues, éventuellement remboursés, pourraient faire tout aussi bien.

Leitmotiv classique de l’administration depuis des lustres, repris par le plan Piel et Roelandt et même, plus récemment par le Plan d’Action Cléry-Melin. Comme si soigner sans administrer de traitement médicamenteux était une activité indigne de mobiliser un psychiatre, ou, pire encore, comme si soigner sans prescrire de psychotrope n’était pas de la psychiatrie.

Le S.N.P.P. a donc immédiatement demandé à être reçu par le ministère, ce qui a été fait le 4 janvier dernier.

Cette entrevue ne nous a pas appris grand chose de ce que serait ce Plan de Santé Mentale. Il nous a seulement été dit que sa publication est prévue pour début février et qu’il a l’ambition d’organiser la psychiatrie française à la plus grande satisfaction des usagers et des professionnels pour les 20 années à venir au moins, ceci grâce au concours de toutes les représentations professionnelles de la discipline et sans reprendre a priori aucune proposition des rapports et plan antérieurs.

Ambition considérable en quatre semaines : à titre de comparaison il a fallu environ dix-huit mois de travail soutenu uniquement pour organiser les Etats Généraux de la Psychiatrie.

Cette entrevue nous a laissé le sentiment d’avoir été entendus au moins sur quelques points : tout d’abord qu’il n’est pas dans la vocation des psychiatres privés d’élargir l’amplitude horaire de l’ouverture des C.M.P. en fermant leurs cabinets à 17 h pour y succéder à leurs collègues de service public ; ensuite que la psychothérapie est un soin, et non pas un aimable passe-temps, et que c’est faire injure à la psychiatrie toute entière de prétendre que les psychiatres devraient s’en dessaisir au profit des seuls psychologues même si ces derniers ont toute leur place dans le dispositif de soins ; enfin que l’hospitalisation privée en psychiatrie est toute disposée à élargir ses missions, notamment en ouvrant des structures de soins à temps partiel comme le permet désormais la réglementation, mais qu’il conviendrait au moins de lui accorder les budgets nécessaires pour le faire.

Le plus déterminant dans cette entrevue a toutefois été le moment où notre interlocuteur a découvert quel était le revenu moyen des psychiatres libéraux, impression fort opportunément renforcée par la publication dans "Le Monde" de ce jour-là de la pyramide de tous les revenus médicaux. Radiologue travaillant dans le service public, il n’imaginait visiblement pas que l’on pût gagner si peu en travaillant en libéral. Il a reconnu avec nous que, à ce prix-là, il était effectivement difficile de nous demander d’en faire plus…

Si nous ne pouvons qu’être sensibles à la spontanéité de ce mouvement compassionnel envers notre condition, aucune garantie ne nous a cependant été donnée pour la suite, hormis que nous serions conviés à la présentation de ce Plan afin de formuler nos éventuelles critiques.

La plus grande vigilance demeure donc nécessaire. La convention n’est pas le seul front sur lequel nos pratiques pourraient être menacées et, au regard des préjugés négatifs sur nos pratiques qui infiltrent encore le discours administratif, il ne faudrait pas que ce que nous essayons de sauvegarder dans la convention se perde dans le Plan de Santé Mentale.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE
Mâcon


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