Quelques précisions sur la position du SNPP

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 40 - Janvier 2005

Les débats qui ont suivi la publication de la position du S.N.P.P. quant à l’avenant conventionnel sur la psychiatrie semblent appeler quelques clarifications, et d’autant plus que nous ne parvenons pas pour l’instant à une convergence de points de vue avec le S.P.F.

Notre position vise quatre objectifs : maintenir la confidentialité sans laquelle nos pratiques deviendraient impossibles ; revaloriser les honoraires et obtenir un espace de liberté tarifaire ; préserver l’unicité de l’acte de consultation ; garantir l’accès aux soins pour les patients. Ces objectifs sont dans la droite ligne de ce que le S.N.P.P. a toujours revendiqué.

Dès que la loi du 13 août 2004 a été votée, le S.N.P.P. s’est adressé au Ministre de la Santé, aux centrales syndicales puis au directeur de l’UNCAM quand il a été nommé afin, d’une part, de dénoncer le caractère inacceptable de cette loi qui oblige désormais le patient à supporter une pénalité financière pour préserver la confidentialité de ses soins, d’autre part revendiquer sur ce point un statut d’exception pour la psychiatrie.

Nous avons été parfaitement entendus lors d’une réunion organisée grâce à la F.M.F. le 8 décembre dernier et à laquelle assistaient le S.N.P.P. et le S.P.F., Frédéric Van Roekeghem a accordé toutes les garanties que nous demandions pour la confidentialité des soins. Il nous a été proposé un accès spécifique pour tous les soins en psychiatrie, sans aucune obligation pour le psychiatre de retour d’information au médecin traitant – y compris pour les traitements psychotropes présentant de possibles interactions médicamenteuses – ni aucune inscription dans le DMP sans l’accord explicite du patient. En d’autres termes, l’accès spécifique en psychiatrie proposé par l’UNCAM présente les mêmes garanties de confidentialité que l’accès non coordonné, ou accès direct, offert aux autres spécialités.

Dès lors, la seule différence entre accès direct et accès spécifique est la possibilité laissée au psychiatre de prendre des dépassements autorisés (DA) en accès direct, alors qu’il n’y a pas de possibilité de dépassements en accès spécifique. En effet, pourquoi le patient aurait-il à payer un dépassement pour préserver la confidentialité qui lui est déjà accordée ?

Pourtant, considérant le faible revenu des psychiatres par rapport aux autres spécialités, lors de la même réunion Frédéric Van Roekeghem s’est déclaré ouvert à l’idée d’un espace de liberté tarifaire pour les psychiatres de secteur 1 dans les mêmes proportions que pour les autres spécialistes, à condition que cet espace de liberté tarifaire ne soit pas le prix de la confidentialité, ni d’aucun autre droit que le patient aurait déjà par ailleurs.

Le S.N.P.P. a alors proposé le " dépassement thérapeutique " qui est argumenté dans le texte que nous venons de faire circuler. Cette proposition a été reçue favorablement par Frédéric Van Roekeghem mais le médecin conseil national a exprimé des réserves, considérant qu’il serait impossible à ses services de contrôler le bien fondé d’un tel type de dépassements. Devant cette objection, le S.P.F. a jugé préférable de renoncer à l’accès spécifique et, faute d’accord entre les deux syndicats, la réunion s’est conclue sur la décision que l’accès au psychiatre et la possibilité d’un espace de liberté tarifaire seraient traités dans un avenant spécifique à signer avant le 1er mars 2005.

Le texte de la convention entérine cette décision mais le SNPP estime que sa rédaction cadre l’élaboration de l’avenant de manière potentiellement dangereuse pour nos pratiques.

En effet, le texte est rédigé ainsi :

" Pour la psychiatrie et la neuropsychiatrie, les parties conviennent de déterminer les conditions dans lesquelles certains soins pourront donner lieu à un accès spécifique par avenant conventionnel au plus tard le 1er mars 2005. Dans l’attente de la publication de cet avenant, l’accès aux psychiatres, neuropsychiatres et neurologues est considéré comme spécifique pour l’ensemble des soins qu’ils donnent.

Dans les situations décrites ci-dessus, le médecin spécialiste est tenu aux mêmes engagements en terme de coordination que le médecin correspondant. Il apprécie la nécessité de conseiller à son patient de consulter son médecin traitant ".

Ce texte appelle immédiatement deux observations : d’une part, la confidentialité sur laquelle Frédéric Van Roekeghem s’était engagé pour la psychiatrie n’est pas explicitement reprise, même si le texte demeure suffisamment flou pour laisser penser qu’elle n’est pas non plus radicalement remise en cause ; d’autre part et surtout l’accès spécifique se réfère aux "conditions selon lesquelles certains soins etc.".

Ce " certains soins " sonne redoutablement.

En effet, si la négociation conventionnelle a occupé le devant de la scène, elle ne doit pas faire oublier que, depuis des mois, le ministère prépare un plan de santé mentale dont nous savons encore peu de choses bien que nous ayons été très récemment reçus par le ministère à ce propos. Nous savons cependant qu’il est en partie inspiré par des technocrates, voire certains collègues de service public, qui n’ont jamais fait mystère de leur hostilité à la psychiatrie libérale et souhaitent voir les psychiatres libéraux se consacrer prioritairement à la prise en charge de patients nécessitant des traitements psychotropes, les psychologues prenant par ailleurs en charge les patients ne nécessitant pas de prescription.

La négociation conventionnelle ne doit pas non plus faire écran à la loi du 13 août 2004 qui la sous-tend. Cette loi pose l’obligation de l’évaluation des pratiques professionnelles et l’instauration à terme d’un panier de soins. Une récente rencontre avec les responsables de la Haute Autorité de Santé nous a confirmé que ces deux aspects de la loi sont étroitement articulés.

Les enjeux sont donc limpides : si l’avenant conventionnel aboutit à la conclusion que " certains soins " seulement feront l’objet d’un accès spécifique et si, de surcroît, ce sont les syndicats de psychiatres privés qui les déterminent, cela veut exactement dire que les syndicats de psychiatres privés auront réalisé et validé le panier de soins dans leur discipline sans même qu’on le leur demande.

En revendiquant l’accès direct et son espace de liberté tarifaire, il ne doit pas être oublié que l’on revendique en fait l’accès coordonné en faisant le pari, pas nécessairement gagné d’avance, que les patients le rejetteront systématiquement. Mais surtout l’on introduit deux degrés de recours aux soins : d’une part les soins qui, dans le cadre de l’accès spécifique, sont considérés comme relevant impérativement de la compétence du psychiatre et ne peuvent donc être soumis à l’évaluation d’un généraliste ; d’autre part, les soins dont la nécessité et la technicité sont plus discutables puisque le généraliste aurait a priori la compétence suffisante pour juger de leur opportunité et éventuellement les administrer.

Or, le panier de soins, c’est exactement cela : ne rembourser que le " juste " soin effectué par l’opérateur présentant le minimum de compétence pour le faire.

Prenons la mesure de cela : si l’accès spécifique n’est pas universel, tout ce qui restera hors de l’accès spécifique sera par définition considéré comme étant de la compétence diagnostique, sinon thérapeutique, du généraliste. Limiter l’accès spécifique en psychiatrie, c’est donc non seulement entériner l’idée d’un panier de soins mais c’est aussi organiser une délégation de compétence dans une discipline qui a pourtant su résister jusqu’à présent sur ce point.

La légitime aspiration à un espace de liberté tarifaire ne doit donc pas masquer les risques de la limitation de l’accès spécifique. Ils sont réels, que ce soit sous l’angle du remboursement (panier de soins) ou pour la qualité de nos pratiques (délégation de compétence de fait aux généralistes).

Pour autant, il n’est pas question de renoncer à un espace de liberté tarifaire même s’il ne peut se trouver dans le cadre de l’accès direct. Cet espace de liberté tarifaire constitue la principale raison pour laquelle il a été décidé de préparer cet avenant conventionnel : l’UNCAM nous met au défi d’inventer un espace de dépassement propre aux psychiatres et subordonné à la qualité des soins. Sans doute escompte-t-elle que nous ne parviendrons pas à résoudre une équation aussi paradoxale...

Quand bien même cette ambition serait vouée à l’échec, les psychiatres privés renonceront-ils à relever ce défi, à notre avis le seul qui garantisse à la fois la cohérence de nos pratiques et la spécificité de nos compétences, et donc l’intérêt des patients ? Préféreront-ils prendre le risque de voir une part de leurs compétences transférées aux généralistes et, à terme le périmètre remboursable de leur activité limité d’autant, pour un bénéfice financier immédiat plus assuré ?

Aucun combat n’est gagné d’avance, c’est pourquoi notre responsabilité est aussi de mesurer ce qui serait perdu en cas de défaite : dans le cadre de la loi du 13 août 2004 nous avons fait le choix que ce ne soit pas nos pratiques. Mais nous espérons bien gagner : toutes les options restent ouvertes pour l’instant.

C’est cette analyse qui fonde les positions que nous avons prises. Peut-être fallait-il l’expliciter dans l’intérêt de ce débat.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE
Président du S.N.P.P.


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