Les imprécateurs

Pierre Cristofari
Retour au sommaire - BIPP n° 41 - Mai 2005

Ce texte conventionnel, nous avons assez dit tout le mal que nous en pensions, et en particulier notre indignation d’être ainsi méprisés. Nous devons continuer à essayer d’influer sur son application(1).

Il est médiocre, peu applicable, ouvrira des conflits insolites : il est peu probable de le voir sauver la Sécurité Sociale. Sa lecture détaillée donne cent raisons de s’en méfier, dix de s’en indigner. Il n’est pas vraiment le produit d’un large accord, il a été signé par trois centrales syndicales seulement sur cinq(2), il est à tous points de vue suspect.

Le texte... Parce que la Convention, c’est autre chose.

Refuser un texte est facile : on a toujours quelque chose à y redire. Les libéraux le trouvent trop social, les fonctionnaires le trouvent trop libéral, les uns et les autres se méfient des signataires.

Mais la Convention a au moins aujourd’hui le mérite d’exister. Nous avons oublié, après tant d’années sous le régime du Règlement Conventionnel Minimum, que nous n’avions pas seulement vocation à être à la merci des instances administratives des Caisses. À un point tel que les Caisses ont pris de mauvaises habitudes de penser et de se conduire : mauvais élèves, petit personnel manquant de formation, subordonnés convocables par n’importe quel petit chef et déconventionnables au gré de son humeur, voilà ce que nous sommes.

Nous pourrions, aujourd’hui, choisir de nous enfermer dans une politique du pire, dans un non inconditionnel, dans un discours chroniquement hostile à tout changement, dans la satisfaction de rallier un lot hétéroclite de mécontents de tous horizons.

Nous avons souvent été ces derniers temps du côté des imprécateurs, et on peut penser que nous aurons encore, souvent, l’occasion de l’être dans les temps qui viennent. Mais l’imprécation ne peut, à elle seule, tenir lieu de politique : si nous disons nos immenses réserves sur ce texte, nous disons aussi notre désir d’une convention. Alors, au lieu de se satisfaire de l’attente du pire - la faillite de l’assurance-maladie - nous avons à donner une chance au système conventionnel : ou bien celui-ci devient le lieu d’un consensus mou, ou bien nous y introduisons le débat chaque fois que possible.

Les centrales syndicales ne se réduisent pas aux directions nationales ; les militants locaux ne sont pas toujours nos ennemis ; or, on l’a bien vu, le syndicalisme médical possède une dimension locale fondamentale du fait du pouvoir des CPAM. C’est au niveau local que les sanctions sont prononcées c’est à ce niveau que les alliances peuvent être opérantes. Ainsi, les Comités Paritaires Locaux(3) qui se mettent en place peuvent n’être qu’une chambre d’enregistrement des Caisses. Ils peuvent aussi, dans le meilleur des cas, réveiller la vie syndicale.

J’insiste : souhaiter l’existence d’une convention n’est pas applaudir les centrales syndicales qui l’ont signée.

Mais pouvons-nous nous contenter d’attendre l’arrivée d’un monde idéal, ou avons-nous quelque ambition à nous coltiner le principe de réalité ?

Peut-on dire non à un principe parce qu’un écrit est médiocre ?

Pierre CRISTOFARI
Hyères

(1) Ainsi, la “lettre à tous les psychiatres” du 11 avril 2005 de Jean-Jacques Laboutière et Yves Froger (Président et Secrétaire Général du SNPP) nous a demandé de nous engager sur l’accès spécifique des patients au psychiatre.

(2) CSMF, SML et Alliance. Les centrales FMF et MG France n’ont pas signé. Rappelons que seules les centrales syndicales pouvaient participer aux négociations.

(3) Les Comités Paritaires Locaux (CPL) rassemblent des représentants des caisses d’assurance-maladie (administrateurs et administratifs, dont quelques médecins) et des représentants des centrales syndicales médicales signataires de la Convention.


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