La psychiatrie libérale mise à mal

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 41 - Mai 2005

Pendant que nous défendions la psychiatrie libérale au ministère lors des travaux préparatoires du Plan de Santé Mentale, deux institutions et non des moindres, le Conseil de l’Ordre et la Commission fixant les prix du médicament en France, sont venues nous rappeler le peu de crédit que certains accordent à notre exercice.

Conseil de l’Ordre

Vous avez été nombreux à nous alerter après la parution du Bulletin d’avril de l’Ordre des médecins où figure l’article "La psychiatrie : le paradoxe français", dans lequel la journaliste rapporte les propos du Dr Cressard, neuropsychiatre et membre du Conseil National de l’Ordre mettant en cause l’utilité et l’efficacité des psychiatres privés.

Cette diatribe n’est pas nouvelle, notamment sous la plume et dans la bouche de journalistes de la presse généraliste. C’est évidemment beaucoup plus préoccupant de voir de tels propos infiltrer notre Ordre professionnel dont la fonction est avant tout de veiller à l’observance de la déontologie qui ne peut être garantie que par le respect et la considération pour l’engagement des professionnels dans leur pratique. Le Dr Cressard a perdu de vue ses obligations pour céder au discours ambiant.

Vous trouverez ci-après la lettre que nous adressons au Président du C.N.O.M.

Monsieur le Président et Cher Confrère,

Nous avons lu avec quelque étonnement l'article du bulletin de notre Ordre intitulé "La psychiatrie : le paradoxe français" signé de Mme Arlette Chabrol et reprenant des propos qui auraient été tenus par notre Confrère neuropsychiatre, le Docteur Piernick Cressard.
Ces propos, nous voulons le croire, ont été extraits de leur contexte. Nous n'osons imaginer qu'un Confrère, qui plus est, Conseiller Ordinal National, puisse jeter la suspicion sur une spécialité médicale entière.
Nous sommes à votre disposition pour débattre avec vous de la question de fond évoquée par cet article à laquelle nous avons déjà beaucoup réfléchi et travaillé avec nos Collègues du secteur public.
En revanche nous ne pouvons rester sans réaction devant les propos de notre confrère. L'insinuation est un procédé inacceptable, et l'ensemble de cet article est bien peu conforme à la déontologie médicale.
Croyez, Monsieur le Président et Cher Confrère, en l'expression de nos sentiments respectueux.

Jean-Jacques Laboutière
Président de l’AFPEP-SNPP

Yves Froger
Secrétaire Général de l’AFPEP-SNPP

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Prix du médicament

Dans un autre registre, le laboratoire Janssen vient d’obtenir un prix pour la mise en vente en officine du Risperdal Consta LP, forme retard du Risperdal nécessitant une injection tous les 15 jours. Ce laboratoire a réussi le tour de force de multiplier par quatre le coût de traitement journalier :

Ex. : Risperdal per os 4mg/j CTJ : 3,18 euros

Risperdal Consta LP CTJ : 13,64 euros

et ceci sans justificatif d’un apport thérapeutique important.

Au moment où nous négocions quelques euros d’augmentation du Cnpsy sans obtenir une revalorisation digne de notre acte, ce cadeau somptueux fait à l’industrie pharmaceutique ne peut que nous amener à nous interroger sur la reconnaissance accordée à nos actes dont la valorisation financière est un indicateur essentiel.

Là non plus, rien de nouveau. Tout le monde déplore le déclin de la clinique et de la relation médecin-malade, mais les innovations médicamenteuses, réelles ou – plus souvent – illusoires se monnaient au prix fort quand le travail de base, qui consiste entre autre à décider de l’opportunité de tel ou tel traitement avec la force de conviction et l’engagement que cela suppose quand il s’agit d’un traitement neuroleptique, n’obtient aucune reconnaissance. Pire, même nos tutelles n’hésitent pas à lancer sur le marché un traitement qui sera essentiellement prescrit par nos collègues hospitaliers qui ont subi de fortes incitations à mettre en place le Risperdal retard, mais dont le coût sera imputé à la médecine de ville car concernant des patients ayant quitté l’hôpital. Dans le même temps, nous connaissons l’obligation qui nous est faite par la nouvelle convention de diminuer le coût de nos ordonnances. Tout ceci est kafkaïen et nous rappelle à quelle place on nous met.

Paradoxalement nos rencontres au ministère ont été plus fructueuses. Là où la psychiatrie privée apparaissait comme une ressource mobilisable à même de parer à tous les déficits de la permanence des soins, pour autant qu’elle soit réellement insatisfaisante, et aux carences de prises en charge des détenus ou des exclus, nous avons réussi à convaincre nos interlocuteurs de la pertinence, de l’utilité et de l’efficacité du champ d’intervention des psychiatres libéraux ; et de renoncer à nous imposer des tâches qui ne nous reviennent pas en propre.

Yves FROGER
Lorient


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