Pour dire au-revoir à Laurence...

Dominique Jeanpierre
Retour au sommaire - BIPP n° 38 - Mars 2004

Pour dire au revoir à Laurence Roux-Dufort, notre amie, qui s'est éteinte le 21 février, malgré son désir de vivre, de rester dans la beauté des choses...

Parler avec Laurence, c'était un vrai plaisir, un moment à part, c'était être un peu ailleurs. Le temps, on ne le comptait plus, on ne le volait même pas, il se glissait dans les mots, parce qu'il s'agissait toujours, dans le fond, de dire la vérité.

À ce qui se présentait de la réalité commune, Laurence donnait une autre dimension : elle tissait les pensées, en faisait de précieuses étoffes marquées du sceau de son intelligence, de sa poésie et de son humour léger.
Laurence était vraiment habitée par le monde de l'enfance, elle en était une messagère, en connaissait la langue et le courage, sur le bout de doigts.

Elle était pour cette raison légèrement décalée, extrêmement proche de l'essentiel chez les autres. Elle regardait droit dans les yeux, appelait avec douceur un chat un chat, semblait parfois désemparée par les discours mais ne lâchait pas le fil de ce qui lui semblait important. Comme en témoignent ses textes, dont certains inachevés, d'autres à paraître, elle se passionnait pour la psychanalyse d'enfants et voulait donner à d'autres l'envie d'y venir et d’y prendre goût.

Elle adorait son travail de rédactrice en chef à la revue "Psychiatries" et y passait un temps fou. Elle lisait les textes, s'en imprégnait, y revenait, en extrayait parfois l'or fin sous les fatras grammaticaux, discutait ou correspondait avec les auteurs. Elle était attentive au moindre mouvement de leur pensée, intéressée par ce qui se produisait dans leur esprit, gardienne des idées qu'ils cherchaient à transmettre et dont elle voulait laisser une trace juste.

Très peu de temps avant sa mort, et alors que son beau regard était déjà loin, elle continuait à réfléchir et il émanait encore d'elle cette présence particulière que nous lui connaissions, cette proximité familière, entre charme, confidence et entêtement. Je regardais ses peintures : des arbres emmêlés de vent, de force et de mouvement, des arbres qui restent et résistent.
Laurence pouvait raconter l'histoire singulière de chacun d'eux.

Aussi, dans nos forêts, je crois qu'à la manière des biches, elle a laissé des traces légères et belles, qu'à la manière des tigresses elle a voulu se défendre d'une clôture à la liberté.

Dominique JEANPIERRE


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