Actualités syndicales

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 39 - Mars 2004

Incontestablement, le combat syndical vient de franchir une nouvelle étape ces dernières semaines,

  • c'est tout d'abord le mouvement de passage forcé en secteur 2 émanant de quelques coordinations départementales (45, 84, 37, 86) , et d'autres s'y préparent,

  • c'est aussi l'arrivée d'une nouvelle vague de menaces de sanction en provenance des CPAM (06, 17, 35, 38, 50, 76, 78, 84, 93),

  • c'est enfin le changement de ton de J.-F. Rey, président de l'UMESPE qui dénonce l'absence de tout projet politique consistant pour les spécialistes de secteur 1 et notamment dans les discussions sur la future CCAM.

Rappelons que cela fait maintenant 2 ans que nous appelons à suivre le mouvement des spécialistes :

  • grève de la télétransmission,

  • usage élargi du DE avec tact mais bien au-delà de son utilisation restrictive antérieure parce que les conditions économiques l'exigent pour le maintien d'un exercice de qualité en dehors de toute revalorisation significative du CPSY, et parce qu 'en l'absence de convention, le RCM donne lieu à diverses interprétations (cf. études juridiques sur notre site).

Ces deux mots d'ordre conservent toute leur importance, le premier parce qu'il signifie notre refus de toute collaboration avec les Caisses qui n'ont pas fait le moindre geste à notre égard et qu'il rappelle notre exigence absolue du respect de la confidentialité déjà sérieusement mise à mal par Sésame Vitale 1 et totalement laminée avec le projet Sésame Vitale 2, le second parce qu'il stigmatise notre revendication de revalorisation du tarif opposable après 9 ans de blocage et que quelle que soit la réforme à venir (panier de soins, secteur unique, secteur 2 généralisé etc.) elle se fera sur la base de ce tarif de remboursement minimum qui doit souligner la complexité de notre acte. Quand bien même il existe un espace de liberté tarifaire, il sera référencé au tarif opposable, ne serait-ce qu'au regard des conditions économiques de nos patients. Enfin le relèvement du tarif opposable est la garantie pour tout patient, même en situation précaire de trouver un médecin correctement rémunéré pour son acte de soins, et donc tout à fait enclin à le recevoir.

Ces deux mots d'ordre conservent toute leur légitimité tant pour les patients que pour les psychiatres.

Mais ces deux mots d'ordre sont aussi source de beaucoup d'ennuis pour certains psychiatres qui les appliquent depuis 2 ans.

En effet les CPAM qui avaient déjà sanctionné des collègues (22, 26, 37, 56 etc.) par la suspension de leur participation aux charges sociales ont été rejointes par plusieurs autres qui viennent d'adresser des lettres de menaces identiques pour usage trop important du DE alors qu'aucun chiffre n'a jamais été déterminé et que cet usage du DE pour exigence particulière du patient est à la seule appréciation du médecin, et en aucun cas des caisses. Ces menaces et ces sanctions ont durci en retour les mouvements locaux de résistance.

Il n'est évidemment pas question de céder à cette intimidation et un retour en arrière est impossible pour tous ceux qui se sont fortement investis dans cette action. Deux ans de lutte supposent un fort engagement pour lequel un renoncement est inconcevable.

C'est bien entendu localement et en fonction des forces en présence que se dessinera la poursuite du mouvement, mais nous nous attachons à apporter à nos collègues tous les éléments nécessaires, que ce soit pour un recours juridique devant le tribunal administratif, ou qu'il s'agisse de la poursuite du mouvement dans le cadre du DE élargi ou dans le cadre du passage forcé en secteur 2 si celui-ci s'avère plus propice à la poursuite du mouvement entrepris.

Les études juridiques que nous avons fait réaliser, (et qui sont disponibles sur notre site) n’apportent aucune réponse garantissant l’absence de sanctions quel que soit le mode d’action choisi.

Nous avons aussi pu constater que les TASS de différents départements ont répondu de façon tout à fait opposée à la même demande de passage en secteur 2. Ceci confirme que la réponse au conflit sera politique et non pas juridique.

Cela nous rappelle que la fonction d’un syndicat est d’entretenir et de se situer en permanence dans la conflictualité avec les tutelles, conflictualité inhérente à l’organisation de la médecine libérale, qu’elle soit régie par une convention ou par le RCM, et qui nous impose de rappeler toujours et sans cesse la position et les revendications des psychiatres libéraux.

Soutenir la conflictualité suppose des objectifs. Nous les énonçons régulièrement dans nos courriers. Ils participent de la défense d’une psychiatrie de qualité pour les patients et pour les psychiatres :

  • cela passe par le rejet des protocoles d’évaluation standardisée et antinomique de la dimension subjective de notre exercice,

  • cela passe par le maintien de l’indépendance professionnelle et donc d’une totale liberté dans nos orientations thérapeutiques,

  • cela passe par la conservation d’un acte unique de consultation dans la future CCAM sans dissociation de la pratique psychothérapique, et donc par le refus de toute nomenclaturisation des psychothérapies,

  • cela passe par la revalorisation des honoraires,

  • cela passe par le refus d’amputation et de dénaturation de notre pratique en réponse à des injonctions ministérielles ignorant tout de la nature, de la qualité, de l’étendue et de la diversité des soins que nous prodiguons aux 2 millions de patients qui constituent notre file active (plus importante que celle du service public),

  • cela passe par la garantie de l’accès aux soins pour tous les patients.

Soutenir la conflictualité suppose aussi des moyens. C’est notre travail syndical de contacts et d’interpellations permanentes des interlocuteurs concernés. Cela continue de fonctionner avec les services ministériels. Il n’en est pas de même avec la CNAM–TS. C’est l’effet dévastateur du refus des négociations conventionnelles opposé aux spécialistes libéraux par J-M. Spaëth. Cela implique que nous déplacions les contacts au niveau des CPAM par des actions sur le terrain pour lesquelles nous vous avons sollicités. Ces actions sont le pilier de la pression syndicale. Elles ont été initiées et reposent toujours sur l’usage élargi du DE. Cette action a été suffisamment fédératrice pour rassembler un grand nombre de protestataires bien au-delà des psychiatres. Elle s’intègre parfaitement à cette dynamique conflictuelle que nous nous efforçons de maintenir. Elle fait parler d’elle, elle sensibilise les patients, elle entraîne des rencontres au niveau des CPAM, elle réaffirme l’exigence d’une revalorisation des honoraires. Les sanctions peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal Administratif.

Le temps est-il venu de passer à autre chose ? Deux idées se dégagent, le passage en force en secteur 2, et le déconventionnement.

25% des psychiatres libéraux exercent en secteur 2. Comment dès lors contester la volonté de passage en secteur 2 affichée par les psychiatres en secteur 1 menacés ou sanctionnés pour usage élargi du DE et sans autre réponse des caisses. Là non plus pas de garantie juridique ni argumentation certaine. C’est donc en tant que mouvement local massif que cette action doit s’organiser pour déboucher sur une issue favorable qui ne peut être que l’accord d’exercer en secteur 2.

Cette solution satisfaisante sur un plan individuel et donc légitimement recherchée ne répond par contre en rien à nos attentes collectives. Elle laisse en suspend la revalorisation des honoraires tout aussi importante pour les deux secteurs. Elle n’est pas applicable par tous au regard des différences de clientèle, et sa généralisation comporte des incertitudes économiques qui pourraient s’avérer pénalisantes pour les médecins et bien sûr pour les patients les plus démunis. Aussi le passage en force en secteur 2 ne peut constituer qu’une réponse locale à la surdité et à la virulence des CPAM à l’égard des médecins protestataires contraints de trouver une issue. Mais cette action ne s’intègre pas dans la dynamique de la conflictualité. Elle signe au contraire son échec du fait de l’impossible dialogue avec les Caisses.

L’hypothèse d’un mouvement de déconventionnement pose le même problème. Il est avant tout le constat très juste du refus de la CNAM-TS de tout dialogue avec nous et repose sur le pari d’une possible reprise des échanges dans une situation de tension extrême. Hélas rien ne garantit ce cas de figure, et nous pouvons même redouter l’inverse à l’image des événements récents dans la Drôme où les autorités envisagent de rapatrier l’activité des spécialistes libéraux protestataires et scandaleusement sanctionnés dans le secteur public, ce qui ne fait que précipiter des projets anciens et bien connus de certains technocrates du ministère. Là aussi on coupe court à toute conflictualité en séparant définitivement les deux parties. C’est la disparition du secteur libéral pour les spécialistes. Ce n’est pas notre choix. Le choix du déconventionnement reste par contre un aménagement individuel tout à fait compréhensible lorsque cette conflictualité n’est plus tenable.

Tout autant que la revalorisation du tarif opposable, l’aménagement d’un espace de liberté tarifaire apparaît absolument nécessaire et incontournable. Reste à savoir dans quel cadre l’insérer.

  • Généralisation du secteur 2 ? Nous avons exprimé nos réserves sur cette solution.

  • Adoption du secteur unique ? Ce projet nous paraît plus juste que le secteur 2 pour les patients et plus sûr pour les médecins (cf. courriers antérieurs), mais aucune majorité politique ne semble en mesure de le soutenir.

  • Assouplissement et extension de l’usage actuel du DE ? Le mouvement de protestation nous a amenés à expérimenter et promouvoir cette ouverture qui s’est révélée tout à fait intéressante à plusieurs titres. Outre un espace de liberté tarifaire, il s’agit aussi d’un dispositif technique qui nous offre quelques degrés de liberté supplémentaires dans notre pratique quotidienne.

Au moment où la profession se divise sur la question des psychothérapies et sur celle de l'évaluation, il nous apparaît indispensable et crucial de retrouver la cohésion et la solidarité dans le cadre du mouvement de protestation.

Cette analyse nous conduit à penser que les deux mots d’ordre d’usage élargi du DE et de grève de la télétransmission nous permettent de conserver notre cohérence syndicale et d’occuper pleinement notre espace dans la défense de nos intérêts et de nos patients.

Yves FROGER


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