Lettre aux psychiatres

Jean-Jacques Laboutière, Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 38 - Mars 2004

Cher(e) Collègue,

Le débat initié il y a trois ans par le projet de loi Accoyer suit son cours.

Après un passage très médiatisé au Sénat début janvier, il revient à l’Assemblée Nationale sous une nouvelle forme intitulée amendement Mattei, qui instaure le titre de psychothérapeute et dans lequel ne figure pas la moindre référence à la spécificité de la pratique du psychiatre.

Notre réflexion s’articule autour de quatre points :

  • Le souci du législateur d’éviter la prolifération des gourous en tout genre et d’interroger les ressorts de leurs pratiques.

  • Le statut de psychothérapeute revendiqué par ces mêmes gourous auquel nous nous opposons, non seulement au regard des dérives observables quotidiennement, mais aussi dans le souci d’une cohérence conceptuelle. Accepter le statut de psychothérapeute, y compris pour les psychiatres ou les psychologues, c’est considérer la psychothérapie comme une entité à part, ce que nous récusons.

  • En revanche nous rejetons une conception de la psychothérapie réduisant cette dernière à une ou plusieurs techniques de soins codifiées ; nous soutenons au contraire la notion d’une dimension psychothérapique, intrinsèquement liée au travail clinique spécifique de la pratique quotidienne du psychiatre.

  • La psychothérapie du psychiatre précisément. Notre position sur la psychothérapie du psychiatre n’a pas varié par rapport à ce que nous avons écrit durant l’automne dernier. Nous reconnaissons la nécessité pour tout psychiatre d’une formation à la psychothérapie, formation impliquant l’engagement dans une démarche personnelle avec ses effets de transmission, une formation théorique et une pratique clinique réélaborée en continu au contact des patients, du dialogue avec les pairs et d’un corpus théorique et éthique. Si l’Université joue un rôle d’initiation nécessaire, cette formation à la psychothérapie, parce qu’elle suppose un engagement subjectif et relationnel ne peut évidemment pas être assurée de façon académique ; les psychiatres ont toujours su se donner les moyens de l’obtenir par ailleurs.

  • La psychanalyse dont la spécificité est évidente et pour laquelle la formulation de l’amendement Mattei nous paraît tout à fait conforme, comme nous l’ont confirmé la très grande majorité des associations psychanalytiques.

Vous retrouvez ces quatre points dans la lettre que nous vous adressons et qui nous semble pouvoir être reprise par une grande majorité de psychiatres.

Nous vous demandons de la diffuser le plus largement possible à tous vos collègues publics et privés et de l’adresser ensuite aux députés de votre département.

Nous espérons ainsi faire entendre le point de vue des psychiatres qui n’a guère été pris en compte jusqu’à maintenant.

Nous adressons de notre côté ce courrier aux présidents et secrétaires généraux des autres syndicats et associations de psychiatres avec l’espoir de rencontrer les mêmes préoccupations et les mêmes intentions de protestation afin de susciter un front du refus de la profession unitaire.

Bien cordialement.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE
Yves FROGER


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