Les psychiatres français à la WPA (suite). Les enjeux, les rencontres et les confrontations
L’Association Mondiale de Psychiatrie (AMP) fut fondée dans les années cinquante par Henry Ey et Jean Delay.
Erratum : Dans l’article du BIPP précédent (L’AFPEP à la WPA), plusieurs omissions sont à rectifier concernant les acteurs français au sein de cette grande société médicale. D’abord, celle de la création, lors du congrès de Yokohama de la section de suicidologie par le professeur Soubrier : il la préside actuellement. Le Congrès du Jubilé de l’AMP à Paris en 2000, fut organisé par l’ensemble des associations psychiatriques françaises qui avaient toutes décidé de faire leurs journées annuelles à cette date et pendant ce congrès international WPA. Deux psychiatres français, au sein de la FFP en avaient été les artisans : Jean Garrabé et Jean-Michel Thurin.
Nous sommes plusieurs collègues français à avoir été choisis ou élus dans les instances de cette A.M.P. Une erreur nous a fait intervertir Yves Thoret et Antoine Besse comme membres respectivement du “Operational Committee on Publications” et du “Standing Committee on Nominations”.
Lors de son passage à Paris, samedi 11 mars 2006, son nouveau président Juan Mezzich a réuni des responsables des cinq associations françaises membres de la WPA et il nous a présenté les grandes lignes du programme qu’il prépare pour le triennat 2005-2008.
Voici traduit de l’anglais l’essentiel de son propos.
Il nous a confirmé sa volonté de tout mettre en œuvre au cours de ces trois prochaines années pour retrouver une psychiatrie centrée sur la personne et dont les acteurs seraient respectés en tant que personne : les malades, en insistant sur la relation médecin-malade – maladie et l’entourage familial et social.
Il propose un ambitieux travail autour de quatre grandes directions :
1/ réfléchir aux fondements historiques, philosophiques et éthiques de la discipline.
Il prépare déjà plusieurs recherches historiques sur les racines ”roots” de la psychiatrie soit au niveau des archives de la WPA, soit auprès de nous sur le rayonnement de Bonneval ou à d’autres lieux ressources concernant l’action d’Henry Ey, en insistant sur les premiers efforts de celui-ci d’ouverture au monde entier. En même temps l’effort de ressourcement se porte vers les alternatives autres qu’une psychiatrie exclusivement syndromique.
2/ le domaine du diagnostic est aussi à réformer par un retour à la relativité des classifications seulement comme des outils mais jamais plus comme des buts en soi. La logique narrative : ”narrative identity” intégrant le récit. La logique indiciaire aux sévères connotations négatives et iatrogènes pour la dynamique du soin est remise à une place plus relative puisque standardisée.
Souvenons-nous des engagements que nous avions pris aux Etats Généraux de la Psychiatrie en matière de recherche nosographique. La préparation de la C.I.M.11 en sera donc l’occasion.
3/ Dans le domaine du soin tout particulièrement, Juan Mezzich confirme qu’il se battra comme il l’avait dit lorsque nous (l’AFPEP) l’avions soutenu lorsqu’il fut élu au Japon. Il envisage d’entreprendre un plan d’aide pour le développement de l’approche pluridisciplinaire d’une clinique du lien intégrant l’approche contextuelle et personnelle des patients par des praticiens explorant et respectant l’ensemble de la personne du malade, l’histoire de sa vie, ses références culturelles, etc.
L’approche bienveillante des familles dans le processus de soin, et l’intégration des dimensions biologiques, psychothérapiques et sociales dans le sens d’une élaboration d’un traitement adapté à chaque individu.
4/ La dimension de Santé Publique n’est bien sûr pas oubliée. Là aussi, c’est d’une nouvelle épidémiologie dont il est question appelée à tenir compte d’une double polarité, en vue d’adopter une approche positive non stigmatisante respectant la totalité de la personne et sa place dans la communauté.
Là aussi, il est question de clinique proche de notre tradition française, qui n’est donc plus “exceptionnelle”.
Il nous demande de le soutenir en poursuivant nos divers engagements tant dans les sections que dans les congrès internationaux WPA comme le prochain à Istanbul du 12 au 16 juillet 2006, où l’AFPEP organise un atelier (Workshop) comme d’autres associations françaises, la S.I.P. un Symposium. Juan Mezzich compte réunir les jeunes psychiatres (moins de 40 ans) en leur facilitant la venue à Istanbul. La question de la traduction systématique d’un résumé en français dans les publications WPA a reçu une réponse favorable. L’affiliation de la Fédération Alternative Francophone des Psychiatres privés (ALFAPSY) est aussi bienvenue. La venue de Juan Mezzich à son congrès de mai 2007 à Neuchâtel l’est également tout comme les nouvelles sections en voie de création ou en projet par nous.
Pour vaincre l’hégémonie d’un courant d’origine outre-Atlantique (voir l’article du précédent BIPP) qui prend de l’ampleur chez nous, ce sont des collègues américains qui nous demandent de les rejoindre. Ils se réfèrent aussi à notre savoir-faire, nos idées et notre réflexion qui intègrent les questions que se posent les praticiens de terrain publics et privés, nous dirions les “cliniciens” face aux psychiatres “technologiques”. Fort de l’entente, réunissant des Australiens, Indiens, Français, Africains et d’autres pays, il va soutenir ce programme pour une psychiatrie de la personne, comme au prochain congrès de la puissante Association Américaine de Psychiatrie (APA), qui se tient à Toronto, en mai 2006.
Lors du C.A. de l’AFPEP-SNPP du 29 janvier dernier, nous avons invité Michel Botbol, le représentant élu de l’AMP pour la zone 6 (Europe de l’ouest), qui nous a présenté son projet triennal 2005-2008.
Déjà, avant nous, le Royal Collège britannique l’avait reçu et lui a proposé une place permanente dans leur instance internationale.
“Durant mon mandat de trois ans comme représentant de Zone, je ferai tout ce qui sera possible pour renforcer les liens entre l’AMP et les associations membres de la Zone 6. J’aurai le constant souci de favoriser la coopération entre les sociétés membres en m’attachant tout particulièrement à accroître l’implication des associations qui sont actuellement peu actives dans l’Association Mondiale (et notamment celle des associations francophones).
Je m’efforcerai également de donner plus de visibilité et de consistance à la Région Europe de l’AMP en travaillant conjointement avec les autres représentants de Zone de la Région.
Je tenterai également de tirer profit des liens historiques et académiques entre les sociétés membres de la Zone 6 et les sociétés de pays économiquement moins favorisés, notamment en Afrique, afin de favoriser leur plus grande implication dans l’AMP. Je m’impliquerai tout particulièrement dans la promotion des associations des pays africains francophones qui sont actuellement très sous représentés dans l’AMP.
Pour atteindre cet objectif :
Je chercherai à promouvoir la participation des associations membres dans les activités de l’AMP et particulièrement dans le travail et les réunions des sections.
Je publierai un bulletin de Zone deux fois par an afin d’informer des activités des sociétés membres et renforcer les liens entre elles.
J’aurai également le souci de renforcer les liens avec les organisations psychiatriques européennes scientifiques comme l’AEP et professionnelles comme l’UESM.
Je contribuerai aux actions déjà entreprises par mes prédécesseurs pour promouvoir la psychiatrie et les patients psychiatriques auprès des autorités politiques et administratives européennes.
Je rechercherai une forte alliance avec les associations d’usagers de la psychiatrie pour développer des programmes de soin, des recherches et la préservation des droits des malades mentaux.
En tant que représentant d’une zone riche en ressources et traditions psychiatriques, je m’attacherai au développement d’aides gouvernementales et non gouvernementales aux pays moins favorisés afin de leur permettre un meilleur développement de leur système psychiatrique.
Je contribuerai également aux actions qui seront menées pour sauvegarder les droits des psychiatres et des patients psychiatriques et défendre les importants acquis de la Santé Mentale européenne contre les attaques qu’ils subissent au nom d’objectifs économiques mal conçus. Dans cette ligne l’un de mes objectifs essentiel sera de tout faire pour permettre à la psychiatrie de maintenir la diversité de ses moyens thérapeutiques et la multiplicité de ses références théorique. J’impulserai l’organisation d’un congrès Régional de l’AMP en France après la fin de ce triennium en 2009 à Lyon.”
Mantes-la-Jolie