Adressage

Pierre Coërchon
Retour au sommaire - BIPP n° 44 - Avril 2006

Dans son courrier de clôture de l’année 2005 que le président d’un syndicat psychiatrique voisin envoie à ses confrères à propos de la signature de l’avenant conventionnel numéro dix, le lecteur a pu s’arrêter sur un curieux mot de l’auteur : adressage.

Nous apprenons ainsi à la lecture de ce document que : « d’ailleurs, en moyenne et depuis longtemps plus de 50 % des patients consultant pour la première fois un psychiatre le font sur adressage d’un médecin traitant », ceci venant entériner tout débat sur la question déjà jouée de la liberté d’accès à un psychiatre dans le cadre du parcours de soins.

Nous laisserons de côté l’affirmation statistique péremptoire mais douteuse pour nous intéresser à l’apparition du nouveau terme d’adressage. Nouveauté en effet sur laquelle le professionnel du psychisme ne peut manquer de s’interroger quant à l’intentionnalité inconsciente ou pas de son créateur ou repreneur.

S’agit-il ici d’un mot d’esprit ? Il n’apparaît pas dans le ton général du texte cette suggestion interprétative autorisant le lecteur à entrevoir une possibilité de libre arbitre lui permettant l’adhésion, la critique ou la résistance.

S’agit-il alors d’un lapsus ? Nous voulons bien accorder à son auteur cette possibilité, mais alors s’y lirait l’expression du désir inconscient d’un sujet en train de batailler avec l’idée d’enfin maîtriser c’est-à-dire de parvenir à dresser l’adresse de son patient, le a privatif venant illustrer par le jeu de la lettre une atténuation de cette intentionnalité dans un débat privé intime contradictoire. Le sentiment du lecteur ne manquerait pas alors de verser vers une indulgence familière dans une sympathie de connivence subjective inconsciente.

Dans une troisième hypothèse, le psychiatre clinicien de formation classique ne peut manquer de repérer dans la création du « néo-mot » d’adressage un néologisme du type métaphore délirante témoignant du travail langagier de reconstruction d’un individu happé dans une structure psychotique et tentant de rattraper une signification.

Gardons-nous d’un étiquetage définitif parmi ces trois hypothèses. D’autres lectures pourraient certainement être envisagées. Laissons l’évolution naturelle temporelle du cas nous enseigner.

Néanmoins, nous ne sommes pas sans savoir les enjeux fondamentaux éthiques, théoriques et pratiques des modalités d’adresse d’un patient à son psychiatre et de ce fait chacun de nous aura à situer la responsabilité de son acte thérapeutique en fonction de cette nouvelle et malheureuse donne que représente la signature et la parution au Journal officiel de cet avenant conventionnel numéro dix.

Pierre COËRCHON
Clermont-Ferrand

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