La confidentialité

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 44 - Avril 2006

Tous les psychiatres, et même tous les médecins la revendiquent et pourtant nous sommes régis par une convention, signée par des syndicats médicaux avec l’aval d’un syndicat de psychiatres, qui limite cette confidentialité au seul respect du secret médical, ignorant que l’exigence de confidentialité va bien au-delà de cela.

En effet, dans leur très grande majorité, les patients sont opposés à ce que nous transmettions des informations à un autre médecin, traitant ou autre, et il nous faut parfois faire preuve de conviction lorsque nous pensons que c’est souhaitable. Cela suffirait à rappeler cette exigence.

La seule réponse faite aux patients, et revendiquée par nos collègues du SPF : « Les patients ont toujours le choix de se mettre hors parcours de soins, et d’acquitter les pénalités financières qui en découlent, ce qui exonère le médecin de toute obligation de transmission d’informations ». Autrement dit, bien sûr c’est entendable, on peut le comprendre, mais ça se paie.

Cela ne serait plus que le choix, l’affaire du patient, le praticien étant dédouané de toute obligation de confidentialité si le patient refuse de payer.

Telle est en effet la ligne conventionnelle.

Nous la refusons.

Il appartient aux psychiatres de préserver l’exigence de confidentialité de la même façon dans tous les cas de figure, accès spécifique, accès coordonné, accès hors coordination.

Depuis toujours nous ne transmettons à nos correspondants que les données qui nous semblent pertinentes.

Depuis toujours nous laissons le soin aux patients d’informer ou non leur médecin traitant de leur démarche lorsqu’elle est de leur propre initiative. Rien ne justifiait d’abandonner cette façon de faire.

La convention ne nous laisse pas d’autre choix que celui d’une opposition militante pour la défense des patients et de la psychiatrie.

Cette convention, à l’instar de la Loi de Réforme de l’Assurance Maladie, repose sur l’idée qu’on ne pourrait pas faire confiance aux patients. Tout doit être écrit, transmis, transparent.

Nous atteignons un degré d’infantilisation et de suspicion à l’égard des patients que nous n’aurions pas imaginé. Il n’y aurait plus moyen de s’en remettre à la parole du patient pour le soigner. Seul compte désormais ce qui est écrit.

Que restera-t-il de la psychiatrie si nous acceptons cette injonction ? Pouvons-nous accepter de réserver les soins psychiatriques au sens vrai du terme aux seuls patients prêts à payer pour cela ?

Depuis l’été 2004, date de promulgation de la Loi, nous maintenons la même position critique de refus et de dénonciation des dangers pour les patients et pour l’avenir de la psychiatrie.

Nous avons refusé d’associer le mode d’accès aux soins et l’exigence de confidentialité.

Notre combat pour l’accès spécifique total repose sur la conviction que toute entrave aux soins, comme peut l’être l’obligation implicite du passage par le médecin traitant, doit être contournée.

L’accès spécifique total permet précisément de dépasser cet écueil. En s’appliquant à tous, sans distinction, il nous permettait de satisfaire aux exigences de la confidentialité pour tous, en continuant de travailler comme nous l’avons toujours fait, et donc en ne transmettant que ce qui nous semble pertinent, et avec l’accord du patient. Nous ne devons jamais perdre de vue que la coordination des soins doit avant tout respecter ces deux principes déontologiques qui priment sur toute écriture conventionnelle.

L’obligation conventionnelle de coordination des soins doit être comprise comme une prédisposition à communiquer ce qui est nécessaire et accepté par le patient.

Nous devons imposer ce point de vue. La situation nouvelle créée par l’avenant n° 10 qui limite l’accès spécifique aux patients de moins de 26 ans nous complique la tâche, mais ne doit pas nous détourner de l’impératif absolu de confidentialité pour tous et de la même façon.

C’est dans cet esprit que nous participons aux travaux préparatoires à la mise en place du DMP.

Il s’agit d’abord de faire appliquer rigoureusement le droit reconnu au patient par la loi de masquer toute information sur le DMP s’il souhaite le faire.

Il s’agit ensuite, et nous l’avons déjà obtenu, que toute inscription de diagnostic sur le DMP soit préalablement négociée avec le patient.

Il s’agit enfin d’imposer l’idée que le DMP ne doit contenir que des informations de nature strictement médicale et incontestablement utiles à la coordination des soins sans jamais porter atteinte à l’intimité du patient.

Cette réflexion ne se situe pas dans le cadre conventionnel qu’elle dépasse très largement puisqu’elle concerne l’un des aspects de la Loi de Réforme de l’Assurance Maladie.

Les interlocuteurs sont plus nombreux et d’horizons beaucoup plus variés, mais hélas le concept de confidentialité est tout aussi difficile à faire passer face à des personnes avides de tout savoir, et surtout ce que l’on veut cacher, et qui dénient bien souvent l’idée même d’intimité.

Jean-Jacques LABOUTIERE
Mâcon

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