Lettre aux présidents des CME des cliniques psychiatriques privées

Hervé Granier, Jean-Jacques Laboutière
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Jean-Jacques Laboutière, Président de l’AFPEP-SNPP, et Hervé Granier, plus spécialement chargé au sein du Bureau des questions concernant les cliniques privées, ont écrit la lettre suivante aux Présidents des Commissions Médicales d’Etablissements

Paris, le 23 janvier 2007


Cher confrère,

Vous avez pris connaissance du récent décret ministériel modifiant l'article D 6124- 472 du code de santé publique qui supprime l'obligation

de permanence médicale 24 heures/24 dans les établissements psychiatriques privés pour lui substituer l'obligation d'une présence psychiatrique 24 heures sur 24.

Les dérogations à ce nouveau principe, prévues "en dehors des heures ouvrables", permettent aux établissements qui le souhaitent, sous réserve de l'accord de l'A RH, de mettre en place une astreinte psychiatrique et de faire appel à leur "environnement sanitaire territorial " pour la prise en charge des pathologies somatiques. Ce nouveau dispositif plus économique supprime la collaboration des médecins généralistes de permanence indispensables à l'organisation de la qualité et de la sécurité des prises en charges médicales et institutionnelles

Vous avez remarqué que ce texte fait porter l'obligation sur les établissements et qu'il appartient à ceux ci de mettre en place ces nouvelles dispositions dans le cadre de discussions internes avec leurs praticiens. Il est probable que de nombreuses cliniques conserveront pour l'instant leur dispositif de référence plus sur et plus performant.

Nous avions déjà alerté le ministère (courrier ci-joint) sur les dangers d'une réécriture partielle et prématurée des dispositions opposables relatives à la permanence des soins, rédigée sur l'insistance des gestionnaires d'établissements et qui ne ferait aucune distinction entre les réelles difficultés des établissements de faibles capacité et l' ambition affichée des grands groupes de santé pour lesquels la rentabilité n'est pas une contrainte mais une finalité.

Le résultat est là. Un décret contre les psychiatres, inapplicable en l'état, et contestable sur plusieurs points.

- l'obligation de présence d'un psychiatre 24 heures su 24 est une mesure excessive, inadaptée et discriminatoire. Nos confrères du secteur public, qui

pourtant sont seuls habilités à recevoir les patients hospitalisés sous contrainte, ainsi que nos confrères d'autres spécialités MCO (hormis les spécialités relevant des soins d’urgence), ne sont pas soumis aux mêmes exigences.

- cette nouvelle obligation d'effectif réglementaire n'est assortie d'aucunes compensations financières (pour la présence sur site et l'astreinte opérationnelle à domicile), au mépris de la nomenclature des actes médicaux et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoyant que la permanence des soins sera exercée à présent au titre d'une mission de service public.

- enfin, il existe une imprécision manifeste des conditions dérogatoires et de leurs modalités d'application soumises à la seule appréciation des ARH, dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, sans que la puissance publique, garante du principe d'égalité, n'ait precisé des critères nationaux de fonctionnement.

Pour ces raisons, le SNPP a décidé de déposer un recours en annulation de ce décret auprès du Conseil d'État, et demande que la refonte attendue des normes de fonctionnement, puisse définir des obligations d'effectifs et de moyens véritablement adaptées à la psychiatrie, en fonction de critères précis concernant la taille et l'activité des établissements (comme cela existe déjà pour les cliniques MCO) sans oublier l'horizon de convergence avec le secteur public.

Il serait, par ailleurs, inacceptable que sous prétexte du cloisonnement des financements (médecins/établissements) les représentants des psychiatres privés directement concernés par ces questions, soient, une nouvelle fois, tenus à l'écart de ces discussions.

Enfin nos décideurs devront bien s'interroger sur les contraintes croissantes qui pèsent sur les psychiatres libéraux, de plus en plus instrumentalisés par les nouveaux univers de soins quantifiés et surveillés que construit l'hospitalisation psychiatrique privée. Si la psychiatrie continue de s'écarter de son objet, l'exercice en clinique perdra, perd déjà, toute attractivité pour des praticiens dont le déclin démographique est annoncé.

Nous vous tiendrons bien sûr informé des suites que nous allons donner à cette action et vous adressons, cher confrère, nos plus cordiales salutations.

Hervé Granier
Montpellier

Jean-Jacques Laboutière
Mâcon


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