Un conflit parmi d'autres

Jacques Barbier
Retour au sommaire - BIPP n° 47 - Février 2007

L’un de nos collègues a été accusé de profiter d'une clientèle captive et de multiplier les visites auprès de patients désinstitutionnalisés , regroupés au sein de familles gouvernantes. Ces patients pour la plupart psychotiques avaient été sortis de l'Hôpital Psychiatrique sans aucun cadre ni projet de soins. Notre collègue avait eu à cœur de continuer le travail dont il avait l'expérience dans le service psychiatrique où il avait exercé et de l'adapter à la pratique privée (c’est-à-dire privée d'autres moyens que lui-même).C'est le seul psychiatre de la région qui se mettait de cette façon à la portée de ces patients en grave difficulté et parfois dangereux. Il assurait des consultations dans leur cadre de vie, au tarif conventionnel strict alors qu'il est en secteur 2.Le médecin-conseil a diligenté un contrôle totalement à charge, basé sur un bricolage de chiffres, dans des conditions de totale irrégularité et de méconnaissance obstinée des pathologies, mettant en péril la continuité des soins, la sécurité physique et la réputation de notre confrère. Ce faisant, il a aussi ruiné cette institution de soins fragile et appauvrit encore plus ces patients relégués.Un premier jugement au Tribunal des Affaires Sociales a rejeté la plainte et condamné aux dépens, et aux dommages la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Reims; puis il y a eu appel au National qui a confirmé le rejet de la plainte en détaillant les motifs.Le procès de cette mauvaise action n'est pas fait: les médecins conseils ne relèvent pas de l'autorité du Conseil de L'Ordre. Voici la lettre adressée le 30 janvier dernier au Conseil de l’Ordre des médecins de la Marne, ainsi qu’au Conseil Régional.

À suivre...

Monsieur le Président et Cher Confrère,
Chers Confrères Conseillers,

J'ai bien reçu le compte rendu de la rencontre du 8 novembre 2006 avec les médecins-conseil des caisses de sécurité sociale.

J'ai noté, non sans surprise, que les médecins de la CPAM de la Marne ne s'étaient pas déplacés en nombre à votre invitation.

Les différents paragraphes de votre compte rendu indiquent votre souci vis-à-vis de nos difficultés nées de l’application de la convention et de l’impossibilité des confrères à faire entendre les conditions réelles de leur pratique avec des patients réels, face à ce qui semble devenir une bureaucratisation résolue : c’est-à-dire désincarnée.

Vous notez à propos de la visite confraternelle que celle-ci dépend de la qualité de l'une et de l'autre personne, faut-il sous entendre que le médecin visité dépend de l'humeur de son confrère, de son idéologie, de son professionnalisme. Cette visite est-elle basée en premier sur une éthique de la pratique médicale et que la transparence demandée au visité soit appliquée également au visiteur? Alors seulement une rencontre professionnelle est possible sans pour autant exiger que les objectifs de l’un et l’autre coïncident.

Le but de cette lettre prolonge votre souci manifeste et pose cette question: que peut faire un médecin lorsqu'il rencontre un médecin-conseil d'une caisse d'assurance maladie, quand celui-ci est déloyal, voire lorsque le contrôle qu'il effectue contredit et bafoue toutes les règles de confraternité et même la bonne pratique de technique administrative, lorsque sa compétence est prise en défaut, et que son préjugé obstiné témoigne d’une absence de souci de s’instruire ?

Vous rappelez que les médecins-conseil ne sont pas soumis à l'autorité du Conseil de l'Ordre alors que ceux-ci sont admis à siéger dans ces mêmes Conseils. Vous admettrez que cette dissymétrie est étonnante et pourquoi pas choquante. Les médecins-conseil sont-ils également à l’abri d’un rappel des principes de la profession ? En cas de manquement le Conseil a-t-il la possibilité de se saisir et le devoir moral d’alerter la hiérarchie ad hoc ?

Je pense évidemment à l'affaire de notre confrère Alain Perceau (qui m'autorise à citer son nom dans ce courrier). Bien que ce confrère ait gagné au National contre des accusations non fondées, le procès n'a pas pu traiter ce que j'appelle l'iniquité (l'injustice commise par la partialité) de la personne qui a fomenté un contrôle scandaleusement à charge, nuisible, dangereux pour notre confrère, dangereux pour les patients et qui ruine la confiance nécessaire à une saine relation avec toute une institution.

J’imagine que ces sujets de société et de culture font partie de vos interrogations, aussi je compte sur une réponse de votre part. Je suis disposé à me déplacer lors d'un conseil, si vous m'y invitez, afin que nous puissions débattre de cette question : Le Conseil de l’ordre doit-il prendre position lorsqu’il est instruit d’un comportement contraire aux principes déontologiques de la profession dans la société ?

Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur Le Président et chers confrères, en mes sentiments respectueux et dévoués,

Jacques Barbier
Reims

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