Editorial

Olivier Schmitt
Retour au sommaire - BIPP n° 55 - Juin 2009

La polémique sur l'autisme reprend de plus belle ces derniers temps avec une violence encore jamais connue. Si le conflit entre les tenants de la rééducation protocolaire et les tenants du soin dans toutes ses dimensions psychodynamiques se cristallise sur l'autisme, ce n'est sans doute pas pour rien. L'autisme est une affection paradigmatique de cette intrication interactive extrêmement complexe entre le soma, la psyché et l'environnement personnel, historique et culturel. C'est une affection où la relation au monde et à l'autre est touchée au premier plan alors même que l'incidence biologique semble prépondérante. L'occultation de la part psychique est non seulement facile mais peut servir de base à une contestation générale de l'approche psychodynamique. Que cette violence soit soutenue par une secte n'a rien d'étonnant puisque l'aliénation est son fonds de commerce. Il est inévitable que la psychiatrie, dans sa diversité et ses doutes féconds, soit sa cible privilégiée.

Cela nous amène naturellement à la notion de handicap. Qui pourrait contester le fait qu'un symptôme soit généralement handicapant ? Mais le terme de handicap sous-entend généralement que les jeux sont faits ! Ce n'est pas anodin, car si les jeux sont faits, cela débouche sur la prothèse et le reconditionnement. Le problème est qu'en notre discipline, particulièrement pour la psychose, prothèse, protocole et reconditionnement peuvent fermer tout espoir d'accession à un véritable statut de sujet au sens de "citoyen-sujet-de-son- discours". C'est bien là-dessus que nous sommes épinglés et que nous dérangeons. Le concept de Sujet n'a rien à voir avec la notion d'autonomie chère aux rééducateurs partisans du dressage. Je pense par exemple au concept en vogue de "réhabilitation sociale". Dans un contexte stéréotypé, on peut très bien être autonome mais totalement réifié.

On retrouve cette confusion des genres dans la chienlit du statut du psychothérapeute et de la soi-disant lutte contre les sectes. Le problème de fond n'est pas vraiment posé : celui de l'articulation entre technique et thérapie. Dans notre domaine comme dans d'autres, une technique est un outil. Donnez un marteau à quelqu'un, il est probable qu'il tape sur quelque chose. Mais pourquoi ? Dans quel sens ? Au sein de quelle stratégie ? Hélas, la technique fait parfois office de stratégie. Or, une stratégie de soin est toujours le reflet d'une conception de l'humain et de la société. Pour notre part, nous pensons bien sûr qu'elle doit s'étayer sur une position humaniste qu'une déontologie doit soutenir. À côté de cela, la rationalité de l'Économie et du Marché au service des grands intérêts financiers, même si elle se pare de "bons sentiments", n'a pas du tout la même finalité.

Il s'agit bien là d'une ligne de partage dans les conceptions que chacun peut avoir dans l'organisation de la Société. Nos gouvernants ne peuvent que s'y intéresser. À l'AFPEP, nous sommes conscients de l'implication politique de ce que nous soutenons. Certes, la partie est ardue tant le concept de « sujet » est délicat et complexe. Il passe difficilement face aux discours simplistes, pseudo-scientifiques de la démagogie et du populisme qui récupère et instrumentalise nos signifiants. Devant ces discours et les décisions politiques qui les accompagnent nous avons le devoir de les dénoncer inlassablement. Mais à s'y confronter directement nos arguments subtils se font bien souvent écraser par la trompeuse rationalité d'une compassion facile de "bien-pensant".

Nous sommes donc amenés à les contourner, passer outre, créer et communiquer, nous mobiliser, ne pas céder au découragement. Véritable guérilla, ce combat est enthousiasmant et je refuse de penser qu'il puisse être perdu d'avance. Nous le devons aux générations montantes. Même en fin de carrière, et après avoir connu des conditions combien plus favorables, nous ne pouvons pas les abandonner dans ce creux de civilisation. Les jeunes qui se battent, aussi brillants soient-ils — et ils le sont — ne peuvent pas tout faire tout seuls.

Soutenons-les !

Ne nous désengageons pas.

Olivier Schmitt
Niort

Retour au sommaire - BIPP n° 55 - Juin 2009