Retour de Marseille. Séminaire des 5 et 6 juin

Michel Marchand
Retour au sommaire - BIPP n° 55 - Juin 2009

Les durs bancs de l'Université de Provence et le truculent et très efficace Marc Maximin nous ont accueillis pour deux journées passionnantes sur le thème "Médico social et psychiatrie. Du soin à l'accompagnement : quelle clinique  ?".


Journées remarquables par la qualité des interventions et la diversité des approches : éducateurs, infirmiers, psychologues, orthophoniste, directeurs d'établissements de soins, philosophe, juriste mais aussi psychiatres et psychanalystes ont resitué les enjeux du soin, la nécessaire prise en compte de la singularité et de l'inventivité du soin vis-à-vis de la normalisation sociale et de la prétention à organiser scientifiquement la santé.

Entre autres, Roland Gori nous a rappelé les risques de marcher sur la tête en se tenant à uneconception managériale du soin basée sur une idéologie scientifique, en citant un propos imagé de Canguilhem ne manquant pas de piquant : "Ce ne sont pas les hérissons qui traversent la route des hommes, mais la route des hommes qui traverse le chemin des hérissons". À méditer…

Jean-Louis Place a souligné pour sa part le rôle central du lien social dans l'acte de soin et combien sont d'actualité les douze engagements pris à l'issue des États Généraux de la psychiatrie qui se sont tenus à Montpellier en 2003.

Alain Vanier nous a ensuite interpellés sur les mutations en cours et le clivage à venir entre le retour à la neurologie pour les pathologies aiguës et le retour au social pour tout ce qui serait défini comme chronique.

La place de la psychiatrie n'est-elle pas précisément à réinventer dans cet entre-deux, en s'inscrivant dans cette brèche entre la recherche d'une causalité objective et la réponse au niveau du lien social ?

Des témoignages saisissants de soins en prison, d'interventions à domicile dans le cadre du secteur, d'orthophoniste en CMPP, d'éducateurs dans et hors cadre judiciaire, ont souligné là aussi le caractère opératoire de l'écart à la norme supposée et la prise ne compte du sujet dans sa singularité, en dépit des pesanteurs administratives.

Une table ronde très animée a permis de préciser les enjeux des mouvements de l'Appel des 39, de la Nuit sécuritaire, de l'Appel des appels : refus d'une politique sécuritaire, de la stigmatisation et de l'exclusion, pour dégager ce que l'on peut nommer "un espace éthique du soin".

Jesus Sanchez a, quant à lui, passé en revue l'avalanche de lois depuis 2002 ayant pour axe central l'abandon de la solidarité au profit du droit individuel et pour guide la réduction de la dépense publique et l'avènement de l'individualisme.

Une autre table ronde non moins animée a vu la confrontation d'analyses souvent opposées des projets de révision de la convention de 1966 du secteur médico-social et de la refonte du système de santé à travers la mise en place des ARS, une fois que la loi HPST sera promulguée.

Préserver la qualité et l'éthique du soin ainsi que les conditions requises pour l'exerciceprofessionnel de chacun, tout en prenant en compte la tension inéluctable entre la singularité de la relation soignante et la commande sociale, voila qui apparaît la préoccupation première partagée par les participants à ce séminaire très fructueux et vivifiant.

Point de vue personnel à l'issue de ces deux journées : si la Sécurité sociale a pu être instaurée par le Conseil National de la Résistance dans une période où la situation économique n'était pas plus florissante qu'aujourd'hui, n'est-il pas possible maintenant de dégager les moyens d'une vraie politique de santé ? Et n'aurions-nous pas à créer un nouveau conseil de résistance pour le retour à la subjectivité et à la pensée ?

Michel Marchand
Belfort

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