Ordre des Médecins et psychiatrie

Patrice Charbit
Retour au sommaire - BIPP n° 55 - Juin 2009

Le dernier Bulletin de l'Ordre des Médecins consacre une rubrique à la psychiatrie et son avenir. La vision univoque et peu cohérente qui y est exprimée nous a quelque peu surpris voire choqués. Il nous a semblé nécessaire  de le signaler par la lettre que nous reproduisons ci-dessous.

Patrice Charbit
Montpellier

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Paris, le 19 juin 2009


Monsieur le Directeur de la Publication
Bulletin d'information de l'Ordre national des médecins
180, boulevard Haussmann
75389 PARIS Cedex 08

 

C'est avec un vif intérêt que le Syndicat National des Psychiatres Privés a pris connaissance  du débat intitulé « Réformer la prise en charge en santé mentale » publié dans le dernier  bulletin d'information de l'Ordre national des médecins.

La prévalence préoccupante des maladies mentales place en effet le dispositif de soins  psychiatriques au centre d'une question stratégique et nous vous remercions vivement de  soulever ce point de réflexion auprès des confrères.

Les 5000 psychiatres privés dont 3000 ont également des fonctions dans le secteur public ou médico-social sont bien placés pour connaître de près la gravité des questions soulevées par vos intervenants .

Il convient cependant, à l'aube d'une importante réforme, de clarifier le débat sur certains points afin d'éviter malentendus voire sous-entendus.

Un thème s'impose tout d'abord, la psychiatrie est-elle une spécialité médicale comme les autres ?  

Les experts que vous nous présentez affirment que oui, et pourtant, le malaise est palpable et les paradoxes surgissent les uns après les autres au cours de votre article: en effet, il y est noté que :

- les patients pourraient être réticents à consulter ce type de spécialiste… alors qu'ils ne le seraient pas pour d'autres ;

- la psychiatrie n'est que de la médecine mais…. il faut inclure dans les prises en charge institutions médico-sociales et collectivités locales ;

- c'est de la médecine mais… devant le manque de praticiens il serait souhaitable de procéder à un transfert de compétences à des infirmiers ;

- les étudiants ne seraient plus attirés par la psychiatrie parce qu'il y serait trop question de littérature et de psychanalyse (là, il s'agit d'une contre-vérité : c'est parce qu'il y est moins question des nécessaires sciences humaines qu'elle attire moins) ;

- c'est une spécialité comme les autres mais il faut une organisation sectorielle ;

- c'est une spécialité comme les autres mais il faut rendre obligatoire un stage en son sein dans le cursus d'un généraliste ;

- c'est une spécialité comme les autres mais le Président de la République peut intervenir en personne pour favoriser certains traitements.

Votre article insiste donc sur nombre de spécificités de la psychiatrie tout en affirmant le contraire.

Les psychiatres sont habitués depuis toujours à ce genre de paradoxes dès qu'il est question de leur discipline. Il ne s'agit pas d'erreur mais de symptôme. Notre spécialité pousse à balbutier parce que l'on ne sait jamais comment la classer. Non seulement nous ne vous en tenons pas rigueur mais nous tenons encore à vous remercier de cette intervention parce qu'elle souligne combien la présence de psychiatres de terrain est nécessaire à débroussailler ce champ.

Cependant, suite à votre publication, différentes questions ne manquent pas de se poser :

- Pourquoi y est-il tout le temps question du manque dramatique de soignants et jamais de l'incidence du numerus clausus ? Si la prévalence des maladies mentales est si préoccupante et le nombre de psychiatres si bas : pourquoi ne pas le relever ?

- Il est question dans votre article d'une reconnaissance d' « une qualité  et non d'une qualification » en psychiatrie pour les médecins généralistes. Pourrait-on expliquer ce qu'est « une qualité » en psychiatrie et ce qu'elle impliquerait ?

- Pourquoi ne pas confier les nouvelles missions que l'on vient de découvrir (prévention, réinsertion, coordination des soins,…) aux structures déjà existantes ?

- Pourquoi la psychiatrie est-elle devenue un enjeu politique ?

- Pourquoi ne parle-t-on plus de soigner des malades mais des usagers et de « prise en charge de la santé mentale » ?

Une nouvelle loi n'est-elle pas prématurée alors que manifestement les questions posées ne sont pas claires pour tout le monde ?

Le Syndicat National des Psychiatres Privés reste à votre disposition afin de débattre de ces importantes questions. Nous disposons d'une expérience si ce n'est d'un éclairage qui pourrait être précieux.

Bien confraternellement...

 


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