Penser malgré la pub
Comme de nombreux psychiatres, nous venons de recevoir une publicité pour un castrateur chimique. En plein cœur de l'intense campagne médiatique concernant des faits-divers à caractère sexuel, cette information concernant l'arsenal pharmacologique est apparue essentielle à des conseillers en marketing.
Si de banales interrogations sexuelles sont à la pédophilie ce que la moindre turbulence est à l'hyperactivité, le marché risque en effet d'être conséquent.
Mais ce qui devrait appartenir au registre du droit pénal n'est-il pas en passe de devenir l'objet d'une " psychiatrie de précaution " à la solde d'intérêts commerciaux ?
Dans l'intimité d'un cabinet, prescrire un castrateur au patient anxieux prêt à s'inventer un dérapage possible sans jamais passer à l'acte, sans doute effrayé de se croire dangereux, n'aura-t-il pas pour seul mérite de préserver... des " parts de marché " ?
Les contraintes prédictives ne vont-elles pas transformer le psychiatre en exécuteur de sanction pour des crimes imaginés ?
Cet espace n'existait pas, le voilà ouvert.
Sans aller jusqu'à y voir malice, nous pouvons au moins poser les questions suivantes :
- Encouragés ou non par des échéances électorales, nos gouvernants ne devraient-ils pas se préoccuper de l'impact des horreurs qu'ils prononcent ?
- La traduction cynique immédiate en termes commerciaux des " discours autorisés " ne devrait-elle pas conduire à la prudence la plus élémentaire ?
Dans ce contexte, notre indépendance professionnelle et notre liberté de pensée restent les seuls remparts contre notre instrumentalisation par la démagogie des intérêts politico-économiques.