Maltraitances à nos patients
Mr D., la quarantaine, a depuis quelques années un parcours difficile pour lequel il me demande de l'aide. Il est seul dans la vie et ne va pas bien depuis qu'il a perdu sa mère. Avec les années et notre travail régulier de psychothérapie il s'améliore. Après un arrêt de son activité professionnelle pour formation et n'ayant pas obtenu le diplôme espéré, il retrouve son lieu de travail. Quelques semaines à peine après cette reprise, une maladie de Hodgkin est découverte et immédiatement traitée. Il est alors en arrêt maladie bien évidemment. Le traitement se passe bien. Il veut reprendre son travail un peu plus vite que ce que les médecins lui accordaient. Mais d'emblée il se sent mal reçu, ses choix d'affectation n'ont pas été retenus. Les conditions de travail sont difficiles. Il est fatigué et son médecin traitant lui prescrit un nouvel arrêt de travail. Pendant tout ce temps, quelques semaines tout au plus, notre suivi se poursuit. Un matin il m'appelle affolé. Il a reçu la visite d'un médecin contrôleur privé mandaté par son employeur qui lui a donné l'ordre de reprendre son travail le jour même. Il s'y est donc rendu et ne sait que faire dans cette situation vécue comme brutale. Je décide de lui refaire un arrêt et environ 3 semaines après, reçois l'appel du-dit médecin contrôleur. Je lui donne mon avis sur la situation justifiant un arrêt de travail chez ce patient fragile ainsi que ma façon de penser sur la manière dont lui s'y est pris, insistant sur la pathologie cancéreuse bien connue pour être très sensible au « stress ». C'est là qu'il me répond avec un aplomb déconcertant que les analyses montrant qu'il est « guéri » il n'a pas de raison de ne pas retravailler. Depuis quand considère-t-on qu'un cancer est guéri quelques semaines seulement après une première phase de traitement ? Un médecin peut-il à ce point nier l'aspect évolutif du vivant pour se transformer en un comptable qui ne considèrerait que la rentabilité de l'instant T ?
J'ajouterai pour finir une autre situation où l'on sent la transformation des modes de pensées vers une indifférence à la souffrance d'autrui désignée comme a priori suspecte : ce que me dit, à travers ses larmes, une patiente non encore remise d'une IVG évidemment vécue dans un contexte difficile : elle n'en avait été pas remboursée sous prétexte que c'était un « acte de confort »...
Peut-on véritablement soigner sans avoir le souci du confort des patients ?