Sur la décision du Conseil Constitutionnel

Pierre Cristofari
Retour au sommaire - BIPP n° 58 - Janvier 2011

A condition d'une vigilance de tous les instants, la démocratie avance. La Question Prioritaire de Constitutionnalité permet aujourd'hui à un citoyen, dans certains cas, de saisir lui-même le Conseil Constitutionnel. Ainsi, récemment, à propos d'une Hospitalisation à la Demande d'un Tiers, le Conseil rappelait le droit absolu d'une personne privée de liberté de se défendre. En l'occurrence, il autorisait la saisine du Juge des Libertés, passés quinze jours d'hospitalisation sans consentement. Décision à contre-courant de la mode sécuritaire, qui a fait grincer les dents de la droite la plus dure. Décision saluée par les démocrates, comme le sont tous ceux attachés à la défense des droits des malades mentaux.

De bons esprits ont pourtant évoqué le risque de l'apparition d'un « juge de l'application des soins » qui prendrait le pas sur le médecin pour imposer un traitement. Mais rien dans le Code, ni dans la décision du Conseil Constitutionnel ne permet d'imaginer aujourd'hui la création ex nihilo de ce personnage inquiétant. En revanche, le Juge des Libertés est bien connu, bien présent, et qu'on lui demande de l'être davantage encore est une avancée : ne boudons pas notre plaisir.

On comprend que certains, conscients des difficultés de nos patients et de nos difficultés à essayer de leur apporter notre aide en toutes circonstances, soient mus par un pessimisme permanent : c'est vrai, après une éclaircie, le mauvais temps, immanquablement, reviendra. C'est vrai, interprétée en dehors de son contexte, toute loi peut être pernicieuse.

Mais si le pessimisme est nécessaire à l'analyse et à la mobilisation, l'action syndicale et politique ne peut s'en contenter. Il faut savoir accompagner les décisions utiles : elles ne sont pas si fréquentes dans notre domaine. Cette décision du Conseil Constitutionnel est bénéfique : le reconnaître n'émoussera pas notre vigilance mais nous permettra de garder quelque espoir dans l'avenir. Refuser a priori tout changement, suspecter tout responsable de duplicité, voilà qui conduit à la systématisation du principe de précaution : ne changeons rien, ni loi, ni technique, ni art, ni savoir. On ne sait jamais, il y a peut-être un risque. Mais un tel pessimisme en comporte un, de risque : celui de céder à la mode sécuritaire.


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