Communiqué du « groupe des 39 contre la nuit sécuritaire »

Retour au sommaire - BIPP n° 58 - Janvier 2011
La décision du Conseil constitutionnel :
Une avancée ? Une perversion supplémentaire ?

 

Pour « les 39 contre la nuit sécuritaire », l’arrêté du Conseil Constitutionnel préservant les droits des patients hospitalisés sous contrainte pourrait apparaître comme une avancée démocratique. Cependant nous restons tout à fait circonspects sur les effets de l’apparition d’un juge après 15 jours d’hospitallisation : Juge d’application des soins ? Du « contrôle » de l’activité des équipes de soins ? Du bien-fondé de telle technique ?

Aussi tout en prenant acte de cette décision, nous souhaitons affirmer que ce n’est pas la loi de 1990 qui entraine les effets délétères que nous constatons en psychiatrie depuis une vingtaine d’années, ni d’ailleurs l’existence de droits bafoués entrainant des internements arbitraires.

Le Conseil Constitutionnel oblige le gouvernement à se mettre en conformité avec cet arrêté avant la fin de l’été.

Nous craignons que cela ne lui serve de point d’appui ou de prétexte pour modifier la loi de 1990 en faisant voter le projet de loi sécuritaire qui, après notre énergique combat du printemps dernier, dormait dans les tiroirs ministériels…

La colonne vertébrale de ce projet était la possibilité – après une garde à vue psychiatrique de 72 heures – d’un recours massif aux soins obligatoires en ambulatoire : projet régressif, inefficace du point de vue des soins et notamment pour les patients qui refuseraient de s’engager dans les soins, dangereux du point de vue des libertés fondamentales.

Au sein de ce projet le recours à la contrainte ou à l’internement serait banalisé alors que nous pensons qu’il doit demeurer l’exception.

Depuis 2 ans, nous avons, avec d’autres, constitué un large front d’opposition à cette conception sécuritaire de la psychiatrie.

En fonction de ce contexte de délabrement des soins l’introduction du juge pourrait, paradoxalement, avoir des effets pervers : la logique du contrôle social et de la surveillance de populations se substituerait à la fonction soignante de la psychiatrie.

Nous ne pouvons pas ignorer en effet l’évolution biopolitique de l’Etat, avec la construction de dispositifs de contrôle et de formatage des pratiques qui s’infiltrent de plus en plus en plus au plus intime de la conception du soin mais aussi du sujet en souffrance. Ces dispositifs qui imbriquent les pouvoirs et discours autrefois séparés produisent un nouveau régime de la loi qui désormais vient de plus en plus dire la norme.

La fonction soignante était déjà largement entamée depuis des années par des attaques concomitantes : suppression des formations spécifiques des soignants (infirmiers, psychiatres, maintenant psychologues) – suppression massive de lits sans développement de structures alternatives au nom de contraintes économiques – généralisation de techniques de soin qui considèrent que l’objet de la psychiatrie ne serait plus de soigner un sujet en souffrance, mais de traiter une maladie, des symptômes…

Toutes choses déjà dénoncées en leur temps lors des Etat Généraux de la Psychiatrie en 2003 et qui n’ont fait depuis que s’aggraver.

Pour « les 39 contre la nuit sécuritaire », la principale atteinte aux libertés fondamentales dans notre pays est celle de la diminution drastique de l’accès à des soins de qualité pour tous.Seule une transformation radicale des moyens, de la formation et de la conception de la folie peut permettre aux patients de retrouver leur dignité et leur droit fondamentaux aux soins.

Nous appelons à poursuivre le rassemblement le plus large pour enrayer la dérive sécuritaire de la psychiatrie et la resituer dans sa mission soignante au service du sujet en souffrance psychique.

 


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