Discours de politique générale

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 59 - Juin 2011

Cette Assemblée Générale survient dans un temps fort de la vie syndicale et politique au regard de l'actualité du projet de réforme de la Loi de 90.

Le SNPP s'est mobilisé pour dénoncer les impasses de cette Loi et demander son retrait en essayant de faire entendre le point de vue spécifique des psychiatres libéraux ce qui n'a pas été facile. Nous sommes, en effet, pris dans un mouvement où les influences multiples nous sollicitent et où il est plus que jamais nécessaire de définir les références qui sont les nôtres pour déterminer et argumenter nos positions.

C'est bien sûr dans la dimension syndicale que je souhaiterai ancrer notre travail parce que c'est notre seule mission, et dans les échanges avec les autres syndicats de psychiatres comme nous avons eu l'occasion de le faire lors de la conférence de presse du 15 mars dernier et surtout lors de sa préparation.

Notre objet est non seulement de dénoncer cette loi issue de la volonté politique sécuritaire du Président de la République mais aussi d'occuper toute notre place dans le paysage sanitaire psychiatrique et promouvoir avec nos collègues une réflexion sur les soins sans consentement.

Pourquoi est-ce si difficile ?

J'ai entendu à la conférence de presse : les soins sans consentement en ambulatoire ça n'existe pas. Peut-on laisser dire cela quand nous représentons des psychiatres libéraux qui accueillent dans leur cabinet des patients en injonction de soins, des jeunes femmes anorexiques conduites par leurs familles désespérées alors qu'elles dénient tout problème.

Notre travail n'est-il pas de partir de ce refus de soins, et même de toute pathologie pour évoluer

vers les consentements aux soins et l'instauration d'une relation thérapeutique seule à même de poser un cadre de confiance pour les soins. Je pense aussi à ces patients opposés à tout traitement antidépresseur, où il s'agit de les soutenir dans ce non consentement quand la pression de l'entourage, du médecin traitant se fait très forte, ou à l'inverse d'obtenir l'adhésion au traitement quand nous avons la conviction que ce traitement sera un levier indispensable et que nous ne sommes pas à même de soutenir ce non consentement.

Attention à ne pas nous embarquer dans des propos qui discréditent le travail des psychiatres libéraux que nous représentons.

Dénoncer ce projet sous le seul point de vue d'une idéologie politique stricte, toute aussi juste et pertinente soit-elle, c'est passer à côté de ce qui nous anime. Nous avons des responsabilités et nous ne pouvons pas nous contenter de ce seul axe de contestation.

J'ai insisté, lors de l'audition à la commission Lefrand sur l'importance pour les psychiatres libéraux de ne pas se retrouver dans une position de délation en signalant une absence et qu'il importerait pour le moins que l'administration fasse son affaire du contrôle de l'effectivité des soins (comme dans l'injonction de soins). Nous avions aussi longuement débattu ce point chez le conseiller technique de Mme Bachelot.

Ce projet de Loi n'est pas bon, nous savons aussi qu'il y a une large majorité parlementaire pour le voter et notre responsabilité vis-à-vis de nos mandants n'estelle pas d'anticiper des amendements qui leur permettent de travailler s'ils sont sollicités par des patients à qui il sera difficile de dire non. Cette attitude a été vivement contestée pendant cette audience par une psychologue membre du syndicat des psychologues : pas d'amendement, rejet massif. C'est en effet ce que nous souhaitons tous, maintenant n'est-ce pas prendre un risque énorme de passer à côté des dispositions qui seraient utiles aux psychiatres libéraux.

La teneur de ces débats nous montre que tout autant qu'une réflexion sur le fond des choses, les raisons de refuser cette Loi, nous avons aussi à réfléchir aux alliances qui permettent un discours à peu près concordant pour faire avancer nos propositions et je suis, pour ma part, convaincu que c'est dans un rapprochement avec les autres syndicats, à l'instar de ce qui se passe au CASP qui pourrait s'élargir, que nous y parviendrons.

La question des soins sans consentement en psychiatrie nous amène au coeur d'une réflexion sur l'essence même de notre discipline, et sur les différentes places que les différents acteurs peuvent occuper, importance du travail d'équipe ou à l'inverse primauté du colloque singulier. Nous avons encore du chemin à faire pour articuler ces différents axes de soins, et je pense, pour ma part, que cela pourrait faire l'objet d'un séminaire de travail en collaboration avec nos collègues hospitaliers dans le respect du travail de chacun. Je ne m'étends pas plus sur les dispositions les plus draconiennes de ce texte concernant les conditions de sortie des patients parfaitement dénoncées et combattues par nos collègues hospitaliers.

L'actualité syndicale est aussi marquée par l'annonce de la reprise prochaine de la négociation conventionnelle, véritable serpent de mer de la vie syndicale. Le SNPP adhère à la FMF depuis 2007.

Nous y avons trouvé une structure qui relaie ad integrum notre plate forme de revendications. Celle-ci figurait en toute lettre dans le programme électoral de la FMF aux URPS et sera la base des propositions de la FMF quand il s'agira de la psychiatrie.

L'influence du SNPP s'étend à un autre niveau puisque notre revendication de l'accès spécifique total en psychiatrie pour toutes les raisons que nous avons maintes fois développées est la base de la réflexion de la FMF sur la refonte totale du parcours de soins et de la coordination des soins.

La FMF a pleinement inclus le SNPP dans sa délégation lorsqu'il s'agit de psychiatrie et tout récemment encore j'ai été reçu par FX Selleret le directeur de cabinet de Xavier Bertrand pour développer les points qui nous importent. C'est dire si cette alliance est importante, elle est la résultante d'une confiance mutuelle progressivement construite au fil d'échanges réguliers. Elle nous a amenés à soutenir les listes de la FMF aux élections aux URPS avec le résultat décevant que nous connaissons.

Il n'en demeure pas moins que la FMF conserve la représentativité pour les spécialités cliniques et participera à la négociation conventionnelle et qu'il reste donc primordial que nous conservions cette alliance par le biais de notre adhésion pour faire avancer le socle de nos revendications pour la psychiatrie libérale.

Cela ne nous exonère pas de faire le bilan de l'échec électoral et d'esquisser quelques pistes de compréhension qui m'apparaissent avant tout d'ordre politique, au premier rang desquels le soutien à la loi HPST, alors que la CSMF et le SML ont enfourché le cheval de l'opposition pour aborder les élections en étant contre, mais contre quoi au juste ?

Cela a en tout cas permis qu'il ne soit pas question du bilan désastreux de la convention précédente et dont nous psychiatres faisons tout particulièrement les frais.

Qu'est ce qu'on peut en dire ?

Le soutien c'était

- la promotion de la médecine libérale pour une participation aux soins à égalité avec l'offre publique, ce qui a bien sûr soulevé l'ire des collègues hospitaliers

- la revendication des médecins libéraux de participer pleinement à la formation des internes

- une réorganisation sanitaire qui fait toute sa place à l'offre libérale de soins.

Ce n'est pas le soutien inconditionnel à toutes les dispositions inacceptables et irrecevables de ce texte.

La loi HPST a réussi cet exploit que les hospitaliers la dénoncent au titre de la privatisation du système de soins et les libéraux au titre de l'étatisation. Cela aurait mérité quelques éclaircissements.

La FMF s'est positionnée avec comme préoccupation primordiale la défense de la médecine libérale et a été sanctionnée par le vote des médecins libéraux. Ont-ils pris toute la mesure de ce vote au delà de la défiance.

Veillons de notre côté à ne pas nous engouffrer dans la même impasse et garder en tête notre mandat syndical, la promotion et la valorisation de l'exercice libéral en psychiatrie avec une question qui doit rester lancinante, par où passe la défense de la pratique libérale sérieusement mise à mal par la dernière convention et les axes proposés par le Président de l'UNCAM lors de la réunion fixant la feuille de route de la future négociation.

Qu'est ce qui fonde notre identité libérale ?

J'ai toujours pensé que nous devrions consacrer des Journées à ce sujet.

C'est toute la question de notre choix de ce mode d'exercice et de notre engagement dans les soins au quotidien avec nos patients.

N'est-ce pas ce qui fonde notre rapprochement avec la FMF qui m'apparaît la centrale la plus désireuse de promouvoir cette identité, ce qui explique aussi qu'elle n'est pas l'interlocuteur privilégié de l'UNCAM qui a à ses côtés des partenaires plus complaisants.

Attention à ne pas dévoyer ces fondamentaux au regard critères politiques incluant les dérives de l'ultra libéralisme et le néolibéralisme, comme nous l'avons entendu cette année.

Si l'adhésion à une centrale me semble capitale pour aborder la négociation conventionnelle, je dirai aussi un mot de l'importance du CASP et je l'espère de sa future extension au moins avec le SPEP pour penser la psychiatrie dans tous ses modes d'exercice. Nous l'avons vu à propos des soins sans consentement, mais aussi à propos du DPC où nous avons des valeurs communes à soutenir pour notre formation et je pense que le SNPP doit se donner pour objectif en tant que représentant des psychiatres privés, libéraux et salariés, d'être la pierre angulaire de ce regroupement.

Le troisième point que j'aborderai concerne le futur plan de santé mentale annoncé pour cette année 2011, et face auquel nous avons des raisons de redouter le pire qui verrait les psychiatres libéraux confinés à l'exécution de tâches fixées par la DGOS pour répondre aux impératifs de santé publique commandés par le politique. Ce rêve est ancien et jalonne les échanges que nous avons avec les tutelles.

Notre discours doit toujours porter sur l'importance du psychiatre en premier recours et sa capacité à accueillir l'immense majorité des situations de souffrance psychique comme en atteste la file active des psychiatres libéraux.

Le second point tout aussi essentiel est de ne pas nous laisser enfermer dans la caricature du psychiatre psychothérapeute, mais bien de rappeler ce qui spécifie l'engagement thérapeutique du

psychiatre dans les prises en charge au long cours qui articulent une pluralité de concepts et de pratiques variables au fil du temps avec un même patient où l'écoute à ces différents niveaux, la prescription médicamenteuse, la décision d'hospitalisation trouvent leurs places. Depuis toujours nous élaborons et ré élaborons ce qui spécifie notre travail, quelles sont les conditions intangibles pour un exercice de qualité pleinement indépendant. L'AFPEP-SNPP se soutient et existe avant tout dans cette dynamique et dans la production d'un discours qui lui est propre.

C'est aussi rappeler que les psychiatres libéraux sortent de leurs cabinets pour travailler dans le secteur médico-social où ils participent à des dispositifs de soins adressés à une toute autre population et notamment les enfants. Nous avons des choses à défendre pour la psychiatrie et pour les psychiatres privés et nous devons être attentifs à participer à des mouvements qui partagent ce même objectif en dehors de tout dogmatisme.


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