Analyse de la réforme de la loi de 1990

Elie Winter
Retour au sommaire - BIPP n° 59 - Juin 2011

Le SNPP exige le retrait du projet de réforme de la loi de 1990 !

Commençons par un rappel : être schizophrène n'est pas statistiquement un facteur de risque de dangerosité. On l'avait longtemps cru pourtant dans le monde psychiatrique, avant d'affiner nos résultats pour démontrer que les facteurs de risque de passage à l'acte hétéroagressif sont essentiellement l'exclusion sociale, le chômage, l'isolement, l'addiction aux drogues et/ou à l'alcool, dans des situations vécues comme désespérées (cf. Étude Elbogen, Arch Gen Psych, février 2009). Toutes ces situations arrivent plus souvent aux patients schizophrènes en raison d'une organisation sociale excluante, et non en raison de la maladie.

Scientifiquement parlant, la lutte contre l'insécurité liée à la maladie mentale nécessite donc le soin, l'accompagnement, l'aide à la vie sociale et le traitement psychiatrique visant à ce que la maladiene soit plus une entrave à la vie relationnelle.
Ce n'est pourtant pas l'orientation actuelle, depuis au moins 2006.

I. Historique

Le SNPP prend acte de la politique menée ces dernières années au plus haut niveau de l'État, concernant la psychiatrie :

• 2006-2007 : Le projet de prévention de la délinquance où le ministre de l'intérieur menaçait de réorganiser les modalités de l'hospitalisation sous contrainte. Fichier national des HO, pouvoir des maires renforcé, hospitalisations d'office facilitées, sortie des hospitalisations d'office rendue plus difficile. Les articles 18 à 24 avait été retirés in extremis (après le vote du sénat), par le candidat aux présidentielles qui annonçait déjà « que cette réforme d'ensemble [des hospitalisations d'office sera] proposée au Parlement dès l'ouverture de la prochaine session ».

• Avril 2007 : Dans le n°8 de « Philosophie Magazine », Nicolas Sarkozy déclare « J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense. »

• Février 2008 : loi sur la rétention de sûreté : Le criminel ayant déjà purgé une peine de prison d'au moins 15 ans peut être maintenu emprisonné si le condamné est évalué comme étant toujours « dangereux ». Réciproquement, la dangerosité n'étant nulle chez personne, quel expert prendrait la responsabilité de permettre une remise en liberté ? Rachida Dati, ministre de l'époque, déclarait : « La rétention de sûreté, c'est la sûreté de tous au prix de la liberté de quelques-uns. ». Ce qui nous éloigne des propos de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. ». Le Conseil Constitutionnel avait censuré l'effet rétroactif de ce texte, le rendant donc inapplicable avant 2023 !

La CNCDH (organisme gouvernemental de conseil sur les questions de droits de l'homme auprès du premier ministre, à ne pas confondre avec la CCDH scientologue) s'était alors prononcée, regrettant d'abord le fait de ne pas avoir été saisie, la CNCDH « [s'inquiète] de l'introduction au coeur de la procédure pénale du concept flou de « dangerosité », « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique », rappelant « que le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur, et s'inquiètent de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine ». De plus, elle « [regrette] l'assimilation du malade mental à un délinquant potentiel ». Comme nous allons voir, l'histoire se répète.

• Décembre 2008 : saisissant un fait divers rarissime, au lieu de se demander comment nous en sommes arrivés là et de quoi la psychiatrie a besoin pour mieux organiser les soins, le discours d'Antony accentue la tentation sécuritaire : annonce de création d'UMD, de chambres d'isolement, bracelets de géolocalisation, caméras de vidéosurveillance, rehaussement des murs, barrières, grillages, facilitation des hospitalisations sous contrainte, pression continue d'une surveillance ambulatoire, obligation de soins, tout est univoque, proposé au nom du soin (sic) mais à vocation clairement sécuritaire.

• Janvier 2009 : circulaire mettant en place un plan de sécurisation des hôpitaux pour 70 millions d'euros. 200 chambres d'isolement supplémentaires sont financées, sans qu'aucune réflexion ne porte sur les raisons d'une telle augmentation du besoin en chambres d'isolement quand la psychiatrie devrait avoir progressé. Les vidéosurveillances et les grillages aux jardins et autres portes blindées pour les services sont mis en place immédiatement. Pour une fois, l'argent ne manque pas ! Le résultat : comme le constate le Contrôleur Général des Lieux de Privation de  Liberté, c'est l'ensemble des patients, donc ceux en HL aussi, qui est soumis aux démesures sécuritaires alors même qu'on constate que certains services fonctionnent très bien en restant ouvert, et que le taux d'HO varie de 1 à 11,8 selon les départements. Ne conviendrait-il pas plutôt de s'intéresser aux pratiques dans ces départements qui recourent moins aux HO ?

• 2010 : Nouvelle circulaire sur les sorties d'essai en HO : « Son acceptation ou son refus ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ». « Les considérations qui doivent être prises en compte pour apprécier l'opportunité d'octroyerune sortie d'essai ne sont pas uniquement d'ordre médical » ! Cette circulaire fait l'objet d'un recours du CASP et du SPH en Conseil d'État.

II. Le projet de réforme de la loi de 1990 : 1ère mouture en mai 2010

Le premier essai, en mai 2010 ne proposait que des mesures facilitant les « soins sous contrainte » à l'hôpital ou en ambulatoire, et rendait plus difficile le passage aux soins avec consentement.

• Principale innovation : la mise en place des SSCA (soins ambulatoires sous contrainte) : « Changement de paradigme » (selon les mots du rapporteur, le député Lefrand, médecin urgentiste et trop pressé). Ce sont désormais les soins eux-mêmes qui doivent être obligatoires et sous contrainte, et non pas le fait d'être hospitalisé. Les sorties d'essai de courte durée (< 12h) (qui se faisaient de façon souple en n'ayant qu'à avertir le préfet sans nécessité d'attendre sa réponse) doivent être supprimées. Elles permettent pourtant aux équipes soignantes de faire de nombreuses démarches utiles au soin en compagnie des patients ainsi accompagnés hors de l'hôpital, et ne sont pas source de graves troubles de l'ordre public... Désormais, ces sorties devraient être prévues à l'avance et nécessitent d'obtenir l'accord du préfet. Encore que la 2e lecture à l'Assemblée Nationale (à l'heure où ce BIPP est écrit) pourrait réparer cette grave erreur. Les anciennes sorties d'essai longue durée qui avaient vocation à être évitées autant que possible (mais dont la souplesse permettait s'il le fallait de les prolonger) deviennent la norme, sont banalisées, tout condamné à l'hospitalisation psychiatrique aura potentiellement un suivi ambulatoire obligatoire, pourquoi pas à vie... Là encore aucune réflexion sur la cohérence clinique de ce nouveau système qui fait porter l'effort du soignant sur la contrainte plus que sur le soin. Rien n'est fait pour favoriser le travail sur le consentement, et le psychiatre est mis en position de conflit de responsabilité : obligation de moyen imposant d'utiliser les soins sans consentement ambulatoire (par sécurité) versus travail psychothérapique visant, nécessitant un consentement. Rien n'est discuté non plus sur ce qui amène aujourd'hui à envisager de telles extrémités : baisse du nombre de lits d'hospitalisation, économies budgétaires sur le dos des libertés individuelles de nos patients ; mais aussi théories psychiatriques à la mode ramenant la folie à un désordre génétique (cf propos de N. Sarkozy dans philosophie magasine n°8) ou de neurotransmetteurs (qui ne nécessite plus de travail sur le transfert, sur la relation médecin-malade et devient donc compatible avec une « obligation »). Le secret médical est directement attaqué, le psychiatre devant rendre compte du suivi du patient, le dénoncer aux autorités administratives s'il manque une séance, ou s'il ne prend pas ses médicaments. Le conseil d'État fixera un « protocole » (que le Sénat corrige en « programme ») de soins (encore flou) que les psychiatres devront appliquer, au mépris du principe du soin personnalisé. Nous rappelons que les hospitalisations sous contrainte sont une nécessité inhérente à l'existence de la maladie mentale grave, quand l'absence de soins adaptés aboutit à des risques importants, parfois vitaux. A ce titre, les sorties d'essai prolongées sont un outil utile, mais devant rester les plus rares possibles. Si le législateur s'inquiète de la dangerosité, c'est l'amélioration des conditions du soin qui doit être urgente, et non la privation de liberté en ambulatoire. En pratique de cabinet libéral, nous insistons sur les principes de libre choix du thérapeute, de secret médical, et d'indépendance professionnelle, qui ne peuvent être remis en cause au nom d'une prétendue dangerosité des malades mentaux (invalidée par l'expérience clinique comme par la littérature scientifique). Ces principes sont les garants qui permettent à nos patients les plus en difficulté d'oser nous parler. Dès lors, à défaut de « soin sans consentement », nous craignons que ne se développe une « médicamentation sans consentement ».

• La nouvelle disposition prévoyant une HDT sans tiers n'est pas une bonne réponse au problème important et fréquent de la difficulté à trouver un tiers. Même le rapport Cléry-Melin proposait pour ces cas une commission venant tenir cette fonction nécessaire au soin. La FNAPSY (Associations de patients) s'intéresse au concept nordique de « personne de confiance ».

• Pour l'HDT, la première version du projet prévoyait un seul certificat pour l'entrée (ce qui se défend), et retire au tiers la possibilité de lever une HDT : on facilite l'entrée, et on bloque la sortie.

• Pour les patients ayant été en UMD ou étant passés par l'article 122-1, une commission de psychiatres et d'autres personnels soignants doit valider la demande de toute sortie, en plus des expertises (jusqu'à 7 expertises !), et ce pendant 10 ans, pour toute sortie d'hospitalisation. Une catégorie à part de patients « réputés dangereux » sera soumise à un droit spécifique même si l'hospitalisation 9 ans plus tard n'a pas de lien avec les événements antérieurs.

• Le projet réinstitue de fait le fichier national des HO auquel le ministre de l'Intérieur de 2007 avait renoncé, en imposant de faire figurer les antécédents graves des patients dans les certificats (sans fichier national comment faire ?).

• Le projet présenté aboutit à multiplier le nombre de patient en « soins sans consentement », dérive totalement injustifiée quand ce sont les moyens du soin qui manquent ! Particulièrement concernant le soin, la liberté ne doit jamais être soumise à l'impératif économique.

Au total, les nouveautés de ce projet de réforme risquent surtout d'aboutir à ce que les patients les moins à risque se retrouvent sous obligation de soin, privation de liberté en ambulatoire, et soient poussés à limiter ce qu'ils disent à leur psychiatre. En revanche, concernant les patients les plus à risque, les plus persécutés ou ceux qui ont perdu tout espoir, ceux-là seront poussés à éviter de consulter des psychiatres qui deviendraient associés à l'image d'un contrôle social. En terme de sécurité publique, nous craignons une aggravation du risque global.

III. Le Conseil Constitutionnel tente de rétablir l'équilibre en faveur des droits des patients... mais le projet propose de l'appliquer aux dépens du soin

Face à ces propositions à vocation uniquement sécuritaire, la nécessité d'un contre-pouvoir s'est imposée, et a pris forme via la décision du conseil constitutionnel, fin 2010, imposant le recours au juge des Libertés et de la Détention après 15 jours d'hospitalisation, en référence à l'article 66 de la constitution « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Là encore, la transcription de cette décision dans le projet de loi est d'une telle complexité qu'on ne peut que constater l'impossibilité d'appliquer un tel système, et un résultat clair : c'est le soin qui se retrouve menacé !

Multiplication des certificats et des expertises, organisation d'une audience contradictoire opposant le psychiatre au patient devant un juge. Et comment faire venir le patient qui est encore souvent délirant, agité, au 15e jour d'hospitalisation ? la vidéoconférence envisagée est-elle respectueuse des difficultés du patient à se faire comprendre au moment le plus intense de sa crise ?

Pour le SNPP, l'intervention du juge des Libertés et de la Détention ne doit pas faire obstacle aux soins, par exemple en imposant l'organisation d'un transport vers le tribunal au 15e jour d'hospitalisation (par des infirmiers qui n'ont déjà plus la possibilité d'organiser des visites à domicile ou des accompagnements en ville), pour rencontrer un juge qui ne peut que demander des expertises à répétition pour résoudre un faux problème : dans la plupart des hospitalisations sous contrainte, le patient ne demande pas de recours au juge. Le juge pourrait dès lors vérifier le respect du droit en visitant les services, ou sur dossier. Pire, le ministère de la justice a bien précisé que les 80 juges supplémentaires nécessaires commenceront ce travail dès le 1er aout 2011... mais ne seront embauchés que pour septembre 2012 ! De qui se moque-t-on ?

Autre effet pervers à anticiper : que fera ce juge ? Il ne doit pas avoir pour fonction de donner un blanc seing aux psychiatres, qui travaillent justement dans la dialectique de la nécessité de contrainte opposée à la nécessité de la liberté. On a vu l'effet des protocoles de chambre d'isolement qui aboutissent à une déculpabilisation des équipes qui se sentent dans leur bon droit. On a vu un directeur d'hôpital satisfait après le suicide d'un patient que « le protocole a bien été respecté » ! Le juge ne doit pas avoir pour effet d'effacer le travail essentiel qui oppose sécurité et liberté.

En revanche, s'il y a bien un rôle du JLD que nous attendons impatiemment, c'est le contre-pouvoir face à un préfet qui refuse une levée d'HO ou une permission demandée par le psychiatre. La version actuelle du projet (en cours d'examen à l'Assemblée Nationale) propose enfin que le JLD soit systématiquement saisi en cas de refus de levée d'HO... mais curieusement, c'est le seul cas où l'avis du juge est soumis à une possibilité de recours suspensif !

On le voit, le projet de loi cherche d'un côté à sécuriser contre une phobie de la maladie mentale, et de l'autre prétend défendre les libertés individuelles sérieusement mises en danger. Le résultat est inapplicable et complique la possibilité de travailler sur le soin lui-même !

IV. CGLPL et CNCDH

Parmi les réactions à ces dérives, notons en particulier deux avis d'instances officielles :

• Le rapport du CGLPL (Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté), Jean-Marie Delarue, le 15/04/2011. Il constate que les patients sont mal informés de leurs droits de recours, que les pavillons sont de plus en plus souvent fermés à clé, y compris donc pour les patients en HL, que les préfets sont réticents pour les sorties d'HO, même à l'essai, qu'en prison, les patients n'ont pas accès aux soins. Le résultat est un allongement des durées de séjour des HO, donc encore moins de place pour les HL. Il dénonce également que des patients sont désormais retenus en HO par le préfet alors même que le psychiatre demande la sortie. Et aussi que les patients hospitalisés en psychiatrie en provenance d'une prison (HO D398) sont de plus en plus souvent mis systématiquement en chambre d'isolement durant toute l'hospitalisation, alors même que les services ne pratiquant pas ces dérives n'ont pas plus d'évasion que les autres. Il finit par ces mots : « Si l'on est en droit d'exiger des praticiens de donner des assurances d'ordre médical, on est aussi en droit d'attendre des autorités qu'elles établissent le risque qu'elles invoquent pour justifier la poursuite d'une privation de liberté ».

• Le rapport du CNCDH du 31/03/2011 : organisme gouvernemental de conseil sur les questions de droits de l'homme, la CNCDH pose tant de questions sur le projet qu'il parait difficile de ne pas en tenir compte. « la réforme renforce au-delà de l'indispensable la contrainte pesant sur les malades. » « conduit à privilégier un point de vue sécuritaire, et, pour éviter tout risque, enfermer plutôt que d'organiser les moyens d'un accompagnement » « la loi reste bien floue sur la portée réelle, en termes de libertés publiques, de cette importante innovation que constituent les soins sans consentement. Qu'impliquent-ils en pratique pour le droit d'aller et venir, de protection du domicile, de rapports avec les proches et dans d'autres lieux de vie, qu'en est-il du libre choix de son médecin, des actes de la vie courante ? » « Le patient sera plus isoléque jamais dans une société hostile et face à une réforme dont il constituera le « cobaye ».

Le CNCDH conclut en rejoignant les conclusions des syndicats de psychiatres réunis au CASP : « La CNCDH recommande par conséquent que, dans un premier temps, une réforme de l'hospitalisation psychiatrique s'en tienne à ce qui est exigé, à l'horizon du 1er août 2011, par le Conseil constitutionnel, et que la concertation se poursuive sur les autres points. Elle poursuit quant à elle ses travaux et reste très attentive à la situation créée, en particulier, par l'importante présence de malades mentaux en prison. Le débat en cours, sur un texte essentiellement axé sur la protection de la société, ne milite pas en faveur d'une plus grande acceptation de la présence des malades mentaux dans la cité. Tout porte dès lors à craindre que l'amalgame qui est fait entre le sort des malades mentaux, jugés par hypothèse dangereux, et les questions de sécurité, ne se renforce ».

V. Conclusions et perspectives

Les bonnes intentions de façade ne résistent donc pas à l'examen de ce projet de réforme. L'idéologie initiée avec la rétention de sureté (alors limitée aux patients les plus terrifiants) s'y déploie cette fois pour tous via les soins ambulatoires sans consentement : c'est la mise en place de restrictions de libertés au nom d'une dangerosité potentielle. La restriction de liberté y estici adaptée au niveau supposé du risque. Le SNPP ne tolèrera pas que la psychiatrie soit instrumentalisée à ces fins !
Le SNPP, en partenariat avec les syndicats de psychiatres représentés au CASP, exige le retrait de ce projet, et demande que les moyens du soin soient mis en place, plutôt que d'envisager toute extension de la contrainte.

Pour le SNPP, une loi est nécessaire aujourd'hui, pour :

• Avant tout permettre à la majorité des patients de pouvoir être soignés en HL et en suivi ambulatoire AVEC consentement. Les quelques situations cliniques où la dangerosité pourrait se discuter ne doivent pas imposer à tous des services fermés ou un suivi ambulatoire sans consentement. Nous voyons depuis 2007 une évolution dramatique des prises en charges urgentes, qui aboutissent à des hospitalisations sous contrainte inutiles, levées après 3 ou 4 jours d'enfermement plus traumatisant que soignant. La détresse psychique doit être accueillie avec hospitalité.

• Apporter des moyens de soin, en particulier concernant les pathologies les plus graves et invalidantes, maladies toujours chroniques, où l'intervention du psychiatre ne peut se limiter à un rôle d'expert prescripteur. Il s'agit donc de recruter du personnel, de créer les structures d'accompagnement, d'hébergement adapté, etc.

• Renforcer la lutte contre l'exclusion et la ségrégation, alors qu'actuellement, les petites structures de SAMU social du 94 sont menacées de fermeture pour favoriser des grands centres moins couteux (Nanterre).

• Réorienter les moyens de la recherche vers la recherche clinique, à l'encontre des projets decertains centres experts inutilement chers et qui n'apportent rien au soin. Ces centres experts proclament être détenteurs d'un savoir médical qui serait ignoré des autres psychiatres et la pratique révèle qu'il s'agit d'une supercherie qui risque de détourner les moyens du soin.

• Dans l'attente de ce travail, la réforme de la loi de 1990 ne doit porter que sur l'introduction du juge, rendue indispensable par la décision du Conseil Constitutionnel avant le 1er aout 2011. En l'état actuel, ce juge doit avant tout trancher les cas litigieux où le préfet exige de maintenir une HO que le psychiatre demande à lever. Pour la plupart des dossiers où personne ne se plaint de rien, l'intervention du juge doit être la plus simple possible et ne pas perturber le démarrage des soins ni surtout emboliser le temps des soignants.

• Il est par contre urgent que le juge puisse intervenir sans délai dans les cas litigieux de désaccord entre patient, famille, équipe de soin et/ou préfet. Sa décision doit alors s'imposer à tous, le recours ne pouvant être suspensif.

• Plus que jamais, il faut rappeler que le soin en psychiatrie nécessite l'indépendance du soignant, la liberté de choix du patient et la garantie du secret médical.

La loi doit désormais repasser devant l'Assemblée Nationale puis le Sénat. Vous trouverez ci-après la lettre ouverte que nous adressons aux députés et sénateurs...
Si elle devait passer en l'état, son application n'irait pas de soi, des moyens de résistance sont en cours d'élaboration. Si des psychiatres libéraux devaient être sollicités pour des soins ambulatoires sous contrainte, nous serions immédiatement amenés à discuter de l'opportunité d'imposer des consultations (payantes !) à des patients en dehors d'une période de crise. La question éthique serait alors au centre de notre action.
La suite dans le prochain BIPP, ou dans la newsletter « Caractères » pour les heureux inscrits.


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