N° 16 - Juin 2011

le 22 juin 2011

 

Chères consœurs, chers confrères,

La réforme de la loi de 1990 a été votée en 2e lecture au Sénat jeudi dernier. Le temps d'écrire ce mail et tout change à nouveau : ce n'est plus la Commission Mixte Paritaire (CMP) composée de sénateurs et de députés qui doit valider les derniers amendements mais une troisième lecture à l'Assemblée Nationale... qui pourrait avoir lieu demain selon certaines sources. Le site du Sénat indique pourtant toujours le recours à la CMP... Bref, à nouveau, l'opacité est totale sur les modes de décision.

Car il y a eu deux amendements supplémentaires.

- Le premier amendement inscrit "le secteur" dans l'organisation des soins dans la loi en ajoutant "les modalités de coordination avec la sectorisation psychiatrique". Ce qui place en fait le secteur comme un intervenant parmi d'autres, et on est loin de pouvoir se sentir apaisés par cette correction comme l'espèrent les parlementaires qui argumentent ainsi : "Cet amendement serait également un signal d'apaisement bienvenu en direction de la communauté soignante et des usagers en psychiatrie, profondément attachée à la sectorisation psychiatrique et troublée par la manière dont ce dispositif est éludé par le projet de loi".

- Le second amendement est plus intéressant, et là aussi à double tranchant. Depuis deux ans nous avons dénoncé l'anomalie qui donne au préfet un rôle tout puissant pour une hospitalisation d'office, même contre de l'avis du psychiatre sensé dispenser des soins. Le gouvernement n'y voyait aucun problème jusqu'à la décision du conseil constitutionnel du 9 juin 2011 (in extremis) répondant à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les HO. C'est donc pour la deuxième lecture au Sénat que le gouvernement a enfin souhaité corriger ce déséquilibre, en précisant que lorsque le préfet demande une HO mais que le premier psychiatre certificateur demande une sortie, le préfet doit obtenir désormais un deuxième avis dans les 72h, et ne peut pas garder le patient enfermé à l'hôpital si les deux psychiatres demandent la sortie. En clair, le préfet sera désormais obligé de libérer les patients quand deux psychiatres le demandent. OUI MAIS le préfet reste alors seul décisionnaire entre une sortie libre, ou une sortie en soins ambulatoires sous contrainte. Le préfet peut donc imposer à un patient d'aller consulter un psychiatre même si le psychiatre estime cette restriction de liberté tout à fait abusive !

- Et on pourrait même imaginer que ça concerne un psychiatre libéral... puisque l'article L3222-1-1 demande aux ARS d'organiser un dispositif de réponse aux urgences en relation avec les pompiers, la police, la gendarmerie... et "les groupements de psychiatres libéraux". Ces groupements n'ont pour l'instant pas de définition connue. Le SNPP va donc surveiller attentivement les décrets d'application !

Il y a donc certes une inflexion, mais le résultat reste encore tout à fait déséquilibré. Si le gouvernement avait tenu compte des objections de la profession unie sur cette question, il aurait pu éviter de voter cette absurdité, qui ne manquera pas d'être retoquée au conseil constitutionnel ou à la cour européenne des droits de l'homme très bientôt. Ce qui a fait dire au député Lefrand (rapporteur du projet de loi) : "Le Conseil constitutionnel a placé le Parlement dans une situation impossible". Non Mr Lefrand, le Conseil Constitutionnel veille au respect de la Constitution, soucis que vous pourriez partager en tant que législateur.

Les associations de patients préparent déjà la prochaine QPC avant même la promulgation de la loi.

Pour toutes ces raisons, qui s'ajoutent à celles exposées dans le BIPP que vous aller recevoir ce mois-ci, le SNPP appelle à manifester le samedi 25 juin à 14 h à Paris place de la République, à l'appel du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire (appel ci-dessous).

Elie WINTER
Secrétaire Général de l'AFPEP-SNPP


PS : le dossier législatif complet : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-361.html
PS2 : le site des 39 avec d'autres infos : http://www.collectifpsychiatrie.fr/

 

APPEL A REJOINDRE LA MANIFESTATION
DU 25 JUIN à 14H
PLACE DE LA REPUBLIQUE - PARIS

A l'appel du Collectif des 39 Contre la Nuit Sécuritaire

Depuis plusieurs mois, la majorité des professionnels et les citoyens ont dénoncé le vote du projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et, aux modalités de leur prise en charge ».

Malgré nos propositions, cette loi désorganisera gravement la majorité des services de psychiatrie publique dès le 1er août 2011, fera pression sur des administrations prises de court (ARS, préfectures, justice) et n'améliorera pas la possibilité des recours garantissant les libertés.

Ethiquement, nous ne pouvons accepter cet ensemble de mesures qui n'a plus vocation à soigner mais à créer l'illusion que les psychiatres, les juges, les directeurs d'hôpitaux et les préfets pourraient garantir l'ordre social au moyen de recettes gestionnaires et sécuritaires qui n'ont jamais fait leurs preuves.

Afin de maintenir une possibilité de soin relationnel nécessaire à toute personne en grande souffrance psychique, qu'elle puisse ou non consentir aux soins, nous appelons tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles et tous les citoyens à refuser solennellement cette loi et à résister à cette indignité.

Nous nous engageons à rechercher les modalités précises et pratiques pour soutenir une hospitalité à la folie, garantir la dignité des patients, et maintenir vivant notre métier, nous appuyer sur notre éthique de soignant et refuser toutes les entraves à la rencontre, à la relation thérapeutique, et à la continuité des soins.

Nous refusons la « liberté » sous contrôle qui va s'exercer par webcam interposées lors des « vidéo-audiences », et risque de perturber les patients les plus fragiles en aggravant leurs difficultés psychiques.

Nous affirmons que nous poursuivrons des soins en rapport avec notre éthique en refusant de dénoncer les patients aux autorités de tutelles, pour ne pas trahir les liens de confiance souvent difficiles à instaurer avec ceux qui vivent une catastrophe psychique.

Nous nous opposerons à tout ce qui peut conduire à la levée du secret professionnel et de l'indépendance professionnelle.

Nous refuserons donc à chaque fois que nous le pourrons le recours aux soins obligatoires en ambulatoire qui sont au cœur de cette loi, et nous ferons tout pour lever ces mesures.

Nous refuserons l'application des « programmes de soins » imposés à tous les professionnels.

Nous n'abandonnerons pas la continuité des soins pour les patients suivis régulièrement au nom d'une priorité qui nous serait imposée pour les patients mis en « soins » sans consentement en ambulatoire ou hospitalisés.

Nous refuserons de rendre des avis médicaux sur simple lecture du dossier du patient, comme le prévoit la loi.

Enfin nous appelons les artistes, intellectuels et tous les citoyens qui sont révoltés par le lien social ségrégatif qui nous est proposé à rejoindre notre combat pour refuser cette nouvelle discrimination de la Folie.

Nous vous appelons tous à manifester votre refus de cette loi indigne, avant l'été et la mise en route au 1er août des nouveaux dispositifs de cette loi.

Le 25 JUIN à 14 H Place de la République

 

Directeur de publication: Thierry DELCOURT
Comité de rédaction : Michel MARCHAND, Elie WINTER, Patrice CHARBIT, Olivier SCHMITT, Françoise CORET, Françoise LABES, Philippe LATINIS, Jacques BARBIER