Editorial

Pierre Cristofari
Retour au sommaire - BIPP n° 46 - Novembre 2006

Dans une corporation vieillissante, chez laquelle l’amertume d’être peu reconnu le dispute à la conscience d’exercer un métier hors du commun, les tentatives d’évolution et de changement risquent d’être douloureusement vécues. La tentation du repli, de la radicalisation du discours est un écueil. On peut se contenter de la sensation, voluptueuse, de constituer le dernier carré des défenseurs de certaines valeurs fondamentales, et cette position peut faire courir un risque à notre réflexion. Une habitude de la solitude dans nos cabinets, mais peut-être aussi certains glissements sémantiques expliquent que nous nous trompions parfois d’adversaires. Hervé Bokobza insiste volontiers sur la nécessité de la démarche scientifique en relevant certains dogmes (comme la formule des «structures») qui stérilisent notre réflexion.

Le débat de forme qui traverse la psychiatrie, entre écoles qui s’affrontent pour conserver ou gagner des parts de marché, n’est peut-être que l’avatar d’une tradition aux oripeaux démocratiques, qui nomme « débat » une joute télévisée à peine tempérée par l’absence de mise à mort.

Le débat doit être porté sur le fond, être bien autre chose qu’une opposition entre tenants de la vraie foi. Parce que la psychiatrie est l’essence même de la médecine, elle échappe comme elle au déterminisme absolu des phénomènes. Mais il serait vain de brandir l’étendard de la psychopathologie en s’exonérant d’une recherche fondamentale, d’une remise en cause des idées admises (à laquelle conviait Freud lui-même, invitant à l’étude d’autres animaux que l’homme), d’une révolution permanente.

Relire Claude Bernard est une nécessité quand on veut réfléchir sur la nosographie. La démarche scientifique est confondue fantasmatiquement avec tout ce que nous pouvons craindre dans l’univers technologique ; son abandon est pourtant aussi grave pour la démocratie que la désaffection du politique.

Yves Froger et Pierre Coërchon commencent ce numéro avec deux points syndicaux fondamentaux, la nomenclature et le parcours de soins, avant d’analyser avec Marc Maximin la nocivité de la loi dite « de prévention de la délinquance », impliquant les psychiatres mais rédigée au ministère de l’intérieur.

Jacques Barbier, Hélène Baudoin, Aliette Largillière et Patrice Charbit nous donnent des témoignages vécus avec des sensibilités différentes et complémentaires. L’étude clinique initiée par Patrice Charbit est en cours et nous ferons un point prochainement. On peut d’ici là le contacter directement : « patrice.charbit@wanadoo.fr ».

Jacques Louys et Alain Bonnet poursuivent le débat sur l’approche scientifique.

Jean-Jacques Laboutière nous a permis d’utiliser le texte d’une de ses plus récentes conférences, dont nous avons extrait un fragment consacré aux organisations syndicales médicales : il est utile de rappeler régulièrement cette propédeutique dont la complexité apparente rebute nombre de nos collègues.

Antoine Besse continue de nous tenir informés de ce qui se passe à l’Association Mondiale de Psychiatrie (WPA) où, grâce à son engagement fait de modestie mais d’obstination, notre association commence à être reconnue.

Enfin, rappelons que se tiendront à Marseille en mai 2007 les «Assises de la Psychiatrie Médico-Sociale», initiées par « l’Association Scientifique de Psychiatrie Institutionnelle » dont nos amis Marc Maximin et Yannick Cann sont les chevilles ouvrières. Nous donnons ici l’argument de ces Assises, prévues en très grand format (deux mille participants attendus), mais nous vous invitons à aller visiter le site « www.medicosocial.com ».

Pierre Cristofari
Hyères


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