Chroniques d'une psy du Centre

Aliette Largillière
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À propos des DE : même si je fus longtemps coordonnée et en lutte pour mes honoraires, via le DE, et via le passage en force en S2, à l'heure actuelle, je n'en pratique plus depuis mars 2005, ou de manière infime.

À ceci plusieurs raisons :

    - 1) La définition du DE a changé : il est applicable pour exigence de temps et de lieu du patient, mais non pour raison médicale.

    - 2) La plupart des confrères ont appliqué des DE, maximum 40 $ et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés s'est alignée, j'aurais dû prendre plus, les autres aussi.

    - 3) je ne discerne plus de soutien potentiel des collègues si je continue à résister seule et je ne suis pas kamikase.

À propos des DA : utiliser les pénalités financières prévues par la sécurité sociale, pour les transformer en un plus d'honoraires, me paraît très pervers. Je n'en fais pas d'autant que petit cadeau de la convention signée, pas très médiatisé, il faut le dire, DE et DA sortent de l'activité conventionnée pour être taxés par l’URSSAF et la CARMF, comme le secteur 2.

À propos de l'accès spécifique direct : je l'ai défendu pour tous, et j'ai été écœurée de voir via des experts psy, qui plus est, que la population était partagée en moins de 26 ans et plus de 26 ans, ainsi que les 3 mois de valses-hésitations suivants, pendant lesquels régnait la pagaille, avant que l'avenant 10 sorte enfin. Encore plus écœurée quand j'ai constaté que les moins de 26 ans, sans médecin traitant étaient remboursés sur la base de 37 ¤, exit l'accès spécifique direct, car la jeune patiente, hébergée dans un foyer et en CMU, donc en tiers-payant, me doit 3, maintenant 4 ¤ pour que ma consultation soit honorée au tarif conventionnel !

À propos des arrêts de travail : certains de ceux que j'ai faits dans le but louable de remettre les patients au travail dans un état de santé correct ont été sanctionnés et immédiatement arrêtés par un médecin-conseil zélé. Comme le commenta à l'époque un de mes patients : “heureusement que je vais mieux mais ils m'humilient, me culpabilisent, il y a 2 mois, je me serais suicidé”.

Le pire, ce sont les horaires de sorties, dans le cadre de l'arrêt de travail : ainsi une patiente psychotique, ayant reçu un courrier de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, interdisant toutes sorties avait respecté à la lettre la consigne, donc pas de courses, pas de sorties, et une angoisse majeure ; face à cette iniquité, j'ai pris mon téléphone, devant la patiente, et hurlé au délégué aux professionnels de santé que la sécurité sociale allait déclencher une avalanche de syndromes persécutifs, et des suicides ; puis, narquoise, je lui ai dit que c'était sans doute le but recherché, le malade mental n'étant pas rentable ! Je transmets à mon syndicat, ce que j'ai fait, et au Canard Enchaîné ce que je n'ai pas fait.

Cet homme a été touché, sinistré même, a transmis en haut lieu à la même CPAM, et il a été promis de ne plus flageller les patients psy dès le lendemain ; depuis plus de problème dans le Loiret, pour mes patients, ni les autres que je sache.

Il me semble utile et nécessaire de dénoncer les abus de pouvoir de l’assurance-maladie, au téléphone, par lettre, aux Comités Paritaires Locaux, abus sur les patients, sur nous ; ou par voie de presse, si rien ne passe, et aux syndicats de psychiatres.

Montrer aux patients qu'on ne se laisse pas berner ou abuser est aussi pour moi, une mesure soignante

À propos des Affections de Longue Durée : le transfert de la rédaction des formulaires au médecin traitant, m'a inquiétée. Mon inquiétude est confirmée ; les affections de longue durée diminuent, ne sont pas renouvelées, les patients quittent la consultation, je me vois obligée d'enseigner au patient le parcours de soins, la déclaration du médecin traitant, pour qu'il puisse continuer à venir me voir et bénéficier du tiers payant, comme avant, non pour rentrer dans mes sous mais pour qu'ils continuent à être soignés.

Aliette Largillière
Orléans


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