L'action syndicale

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 46 - Novembre 2006

ll n’est pas inutile de préciser le périmètre et les spécificités de l’action syndicale qui n’est pas toujours claire pour l’ensemble des collègues.

Position institutionnelle des syndicats
Sur le plan institutionnel, les syndicats de psychiatres ont collectivement pour mission de défendre les intérêts matériels et moraux des professionnels. Actuellement au nombre de huit, ces syndicats se sont pratiquement tous créés en vue de représenter les professionnels d’un mode d’exercice particulier. Seul le Syndicat des Psychiatres Français (SPF) conserve une ambition œcuménique et continue de représenter les professionnels de tous les modes d’exercice : service public, universitaires ou non, libéraux et salariés du secteur médico-social. Tous les autres syndicats sont en revanche spécialisés et représentent un ou plusieurs modes d’exercice : le Syndicat des Psychiatres Hospitaliers (SPH), le Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP) et le Syndicat des Psychiatres de Secteur (SPS) représentent les psychiatres publics non universitaires, le Syndicat Universitaire de la Psychiatrie (SUP) représente les psychiatres universitaires, l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) représente à la fois les psychiatres publics non universitaires et des psychiatres libéraux, le syndicat Confédération Française de l’Encadrement-Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC) représente les salariés du secteur médico-social et enfin notre syndicat, le SNPP, représente les psychiatres privés, c’est-à-dire d’exercice libéral ou salarié dans le secteur médico-social.

Cette spécialisation des syndicats est plus ou moins nécessaire dans la mesure où les modalités de dialogue avec les tutelles sont assez différentes selon le statut des professionnels. Ces différences viennent d’une part du fait que les interlocuteurs ne sont pas les mêmes selon le statut professionnel ; d’autre part du fait que la relation avec les tutelles est directe ou indirecte selon le statut.

Ainsi, le syndicat des psychiatres universitaires, de même que les syndicats représentant les psychiatres du secteur médico-social, ont des rapports assez directs avec leurs tutelles. En revanche, les syndicats de psychiatres publics non universitaires, de même que les syndicats représentant les psychiatres libéraux, doivent passer dans leurs relations avec certaines des tutelles par des centrales syndicales.

De surcroît, les tutelles ne sont pas les mêmes selon le statut. Si l’on peut considérer que tous les syndicats, quels qu’ils soient, ont toujours comme interlocuteur la Direction Générale de la Santé (DGS) et le Cabinet du Ministre en exercice pour les questions touchant à la santé publique, les interlocuteurs sont en revanche extrêmement divers en fonction du statut professionnel pour toutes les questions touchant plus précisément à l’exercice professionnel. Ainsi, pour les psychiatres publics ce sera la Direction de l’Hospitalisation (DHOS), pour les psychiatres du secteur médico-social les représentants des employeurs et la Direction Générale des Affaires Sociales (DGAS) et enfin pour les psychiatres libéraux les Unions Nationales de Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM).

Nous nous bornerons ici à considérer le cas de notre syndicat représentant les psychiatres d’exercice libéral, dont les interlocuteurs sont donc au nombre de trois : la Direction Générale de la Santé et le cabinet du ministre, comme pour tous les syndicats, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et des travailleurs salariés et désormais la Haute Autorité de Santé (HAS).

Mais, si un syndicat représentant les psychiatres d’exercice libéral, tel que le SNPP, entretient généralement directement des liens avec le Ministère et la Haute Autorité de Santé, il doit en principe passer par une centrale syndicale polycatégorielle de médecins libéraux dans sa relation avec l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie.

Ces centrales polycatégorielles sont en fait pour les psychiatres libéraux au nombre de trois : la Confédération Syndicale des Médecins Français (CSMF), la Fédération des Médecins de France (FMF) et le Syndicat de la Médecine Libérale (SML), les deux autres centrales (MG France et Alliance) représentant seulement soit des médecins généralistes, soit dans le cas de Alliance des spécialistes de blocs opératoires.

Évolution du périmètre de la représentativité syndicale
Par ailleurs, il faut aussi savoir que la place des syndicats dans la représentation professionnelle a énormément évolué au cours des dix dernières années. En effet, si historiquement les syndicats représentaient les professionnels dans tous les aspects de leur exercice, l’émergence des sociétés savantes depuis une dizaine d’années a profondément remanié le paysage de la représentation professionnelle.

Ces sociétés savantes ne sont pas à confondre avec les associations scientifiques qui existent de manière extrêmement ancienne en psychiatrie, telle par exemple la Société Médico-Psychologique. Leur objet n’est pas, comme pour les associations scientifiques, de fournir un cadre de travail au sein duquel les professionnels peuvent échanger et publier les résultats de leurs travaux.

L’objet de ces sociétés savantes est au contraire davantage de se positionner comme représentants des professionnels en direction des tutelles, donc de manière latérale aux syndicats.

L’apparition de ces sociétés savantes au cours des dix dernières années n’a pas été d’abord sans une certaine confusion dans le partage des rôles entre syndicats et sociétés savantes, ces dernières semblant parfois s’arroger les prérogatives des syndicats. Les choses sont actuellement en train de se clarifier, le rôle des sociétés savantes tendant à se stabiliser autour d’une position d’expertise pour répondre à toutes les questions d’ordre scientifique qui peuvent être posées par les tutelles, l’organisation des soins et la représentation des professionnels dans l’organisation des soins étant laissées aux syndicats.

Il ne faut cependant pas sous-estimer le profond bouleversement qu’a pu représenter l’émergence de ces sociétés savantes dans les dernières années dans la mesure où il est évident que cette émergence a incontestablement affaibli la représentativité des syndicats.

En psychiatrie, cette opinion peut être cependant nuancée dans la mesure où pratiquement tous les syndicats, à l’exception de deux, sont jumelés à une association scientifique qui participe à la société savante qui est pour nous la Fédération Française de Psychiatrie (FFP).
Enfin il faut savoir que, de même que les syndicats sont regroupés en centrales syndicales, les sociétés savantes se sont regroupées dans une Fédération des Sociétés Médicales qui prend de plus en plus d’importance en matière d’expertise pour les tutelles.

Conséquences de ces spécificités
De ce qui vient d’être exposé on voit que l’action syndicale, en psychiatrie libérale, pour être efficace, suppose donc deux préalables : d’une part être bien représentée au sein d’une ou plusieurs centrales syndicales, ce qui revient à avoir le nombre d’adhérents le plus élevé possible puisque la représentativité d’un syndicat de spécialistes au sein d’une centrale syndicale dépend du nombre de cotisations qu’elle peut verser à cette centrale ; d’autre part, du fait de la place incontournable désormais prise par les sociétés savantes, ce syndicat doit être jumelé à une association scientifique qui participe de manière aussi active que possible aux travaux de la société savante, ce qui suppose d’avoir parmi ses dirigeants plusieurs personnes suffisamment disponibles et motivées pour offrir à la fois la disponibilité en temps et la quantité de travail que cela suppose. En outre, la représentativité d’une association scientifique au sein de la société savante peut également dépendre de son nombre d’adhérents ; c’est le cas pour la Fédération Française de Psychiatrie.

On voit donc d’emblée que, à notre époque, les spécificités de l’action syndicale en psychiatrie dépassent largement leur rôle propre de représentation des professionnels pour les questions touchant à leur statut. En fait, il n’est pas excessif de dire que son action se joue autant dans son action propre que, sur le versant professionnel, dans le cadre d’une ou plusieurs centrales syndicales et, sur le versant scientifique, dans l’investissement qu’il fait de la société savante représentant la spécialité. En fait, un syndicat sera d’autant plus efficace qu’il arrive à mieux se faire entendre sur l’un et l’autre de ces versants.

Ces développements étaient utiles pour expliquer que, à notre époque, une grande part de l’activité syndicale reste invisible du fait du nécessaire investissement des superstructures qu’il lui faut investir.

Jean-Jacques Laboutière
Mâcon


Retour au sommaire - BIPP n° 46 - Novembre 2006