Qui s'y colle ?

Pierre Coërchon
Retour au sommaire - BIPP n° 39 - Octobre 2004

Nous sommes entre adultes ; quoique ? Du moins certains politiques pensent l'être à passer commande à ces grands enfants de psychiatres dépensiers et pas toujours très scientifiques.

Qu'est-ce qui pourrait caractériser le fantasme d'un adulte qui s'y croit ? Je proposerais la formulation suivante : il ne joue plus. Ainsi dans cette application au pied de la lettre, quand il part d'un signifiant (par exemple celui de maîtrise) et qu'il l'associe à un autre signifiant (évaluation, dépense), cela devient un tout, une totalité brutale, voire collante, voire malodorante.

Certes, s'il s'agit d'une logique comptable, la logique principale à l'oeuvre dans ce maniement des signifiants est une logique fantasmatique collante, c' est-à-dire une logique fantasmatique perverse. Logique qui écrase quoi ? Le sou-rire. Pas de place ici pour le mot d'esprit : ça devient du sérieux ; on ne rigole plus ! Pas de place ici entre deux signifiants pour un sujet, c'est-à-dire pas de sujet pour opérer le ratage du langage et pas non plus de lecteur professionnel qui risquerait de sourire d'une telle méconnaissance.

Alors bien sûr, la tentative d'union entre l'évaluation et un psychiatre devient une conjugaison bien explosive. Ça ne colle pas. Ou tout au moins peut-on espérer que ça décolle et que ça laisse de la place à l'existence d'un sujet humain naturellement (c'est-à-dire langagièrement) symptomatique, qui peut naturellement (c'est-à-dire langagièrement) s'adresser en un lieu où il pourra trouver un congénère spécialisé qui endosse de recevoir et traiter respectueusement son symptôme. Le respect de la nature langagière de ce symptôme ne saurait tolérer ni quelque transparence ni quelque partage en dehors des murs d'un cabinet. Dès lors, remettre en cause ou minimiser la valeur d'un acte psychiatrique serait faire la monstration de la nature de son fantasme : coller suffisamment un signifiant à un autre afin d'éradiquer le symptôme à sa source en faisant disparaître l'espace qui donne structure à un sujet humain parlant et transformer ce sujet en simple marionnette obéissant à sa seule naturalité biologique instinctive enfin domestiquée.

La psychiatrie contemporaine pourra-t-elle résoudre le pari actuel de maintenir sa place qui est aussi bien celle où s'adresse naturellement dans le champ médical un sujet parlant en souffrance et d'assurer son autorité thérapeutique sans nulle nécessité ni de tyrannie ni de délégation ?

Il s'agit bien là d'un exercice de salubrité publique que de maintenir ce souffle vital ludique. Nous ne pouvons plus prétendre l'ignorer au moins depuis Sigmund Freud et son analyse du mot d'esprit.

Pierre COËRCHON
Clermont-Ferrand


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