Exercice salarié
Vicissitudes de quatre années de négociations dans le secteur médico-social
1 - avenant 10
La loi Aubry 1 de Juin 1998 organisait la mise en place de l'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) autour de la conclusion de protocoles d'accord d'entreprise signés entre les employeurs et les syndicats représentatifs. Les accords devaient être adressés au Ministère pour agrément au plus tard le 30 Juin 1999.
Malgré nos sollicitations réitérées, il a été omis dans :
- l'accord conventionnel du 12 Mars 1999,
- et dans l'accord de branche du 1er Avril 1999, de traiter simultanément la situation des médecins.
Ainsi les accords d'entreprise, agréés par la Commission nationale d'Agrément au niveau de tout le pays, ont indifféremment approuvé des protocoles d'accord qui incluaient les médecins dans le périmètre, ou les maintenaient hors du périmètre, voire ne faisaient pas la moindre référence à cette catégorie de personnels.
Nous avons pu enfin, à l'été 1999, alors que les délais d'application de la loi Aubry 1 étaient dépassés, entamer au plan national, avec la Fédération des Syndicats Employeurs, les négociations qui nous ont conduits à la signature de l'avenant 10, le 29 Septembre 1999.
Cet avenant : "relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail des médecins spécialistes travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées" venait donc pour régulariser et harmoniser, au plan national, la situation des médecins du secteur social et médico-social pour lesquels rien n'avait été prévu, ni dans la loi, ni dans la négociation de branche, ni dans la négociation conventionnelle, ni au niveau des accords d'entreprise locaux.
C'est alors que le rejet de cet avenant 10 par la Commission nationale d'agrément a concrétisé un vide conventionnel, qui perdure depuis bientôt quatre ans, puisqu'il est légitime d'estimer que les médecins – comme tous les autres salariés du secteur – auraient dû être concernés et avoir leur mot à dire au sujet de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi Aubry 1. C'était le sens du préambule de la loi : il eut été légitime et utile que les médecins soient partie prenante de la négociation de l'aménagement du temps de travail les concernant et impliquant leur responsabilité médicale dans le champ médico-social, singulièrement dans celui qui relève du financement par l'assurance maladie, du fait même de la partie médicale incluse dans la prise en charge.
Ainsi aujourd'hui dans des établissements et services relevant du même agrément :
- certains médecins, selon la bonne volonté de leurs employeurs ou les accords d'entreprise qui les ont inclus, sont aux 35 heures ;
- d'autres sont maintenus aux 39 heures par d'autres employeurs qui prennent appui sur le rejet de l'avenant 10 et sur le vide instauré, lequel renvoie à une convention collective (CCN 1979/93) qui ignore aussi bien les lois Aubry 1 et 2, situation rendue encore plus complexe par l'invalidation le 3 Mai 2002 du refus d'agrément de la Commission par le Conseil d'État, décision qui rend applicable un avenant que l'Administration ne provisionne pas toujours.
Outre ce vide juridique, source d'injustice et de conflits, nos interlocuteurs au Ministère nous ont confirmé que l'essentiel des accords ARTT d'entreprise qu'ils avaient instruits et agréés, ignoraient la création ou le maintien du temps médical pourtant prévu par l'avenant 10. Ainsi dans un secteur déjà sinistré par la pénurie de médecins (essentiellement des psychiatres), le rejet de l'avenant 10 n'a effectivement pas permis la réalisation de ce pour quoi il avait été fait, c'est-à-dire le maintien du plateau technique médical indispensable, lequel se trouve amputé de 10 %, là où la RTT a été appliquée aux médecins.
Les services ministériels ont affirmé que tout cela résultait d'un défaut de chiffrage par les Employeurs de l'avenant 10 et de son inadéquation avec l'article 32 de la loi Aubry 2.
2 - avenant 11
Cet avenant que nous avons signé en Juillet 2001, concerne notre grille de rémunération :
- depuis 1972, nos rémunérations correspondaient à celles du secteur public ;
- en 1991, les médecins et les cadres de la CCN de 1966 ont été exclus des accords Durafour et de l'indemnité de 8,21 %, accordée au reste du personnel ;
- dans le secteur public, au contraire, le protocole d'accord du 19 Mars 2000 a revalorisé, de façon très significative la carrière, la rémunération et le statut des praticiens hospitaliers. L'application de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux leur a accordé 20 jours de RTT ;
- en Juillet 2000, et sous une très forte pression, la Commission interministérielle, revenant sur l'exclusion des cadres, a agréé l'avenant 265 de la CCN de 1966, qui a revalorisé la carrière des cadres, notamment de ceux de direction, ainsi que le début de carrière des psychologues. Les psychiatres, ayant une convention spécifique, ne pouvaient pas être concernés par cet avenant.
Lors d'une rencontre au Ministère, il nous a été clairement indiqué que les études des services concernant le déroulement de carrière corroboraient les nôtres et que l'avenant 11 (qui se situe au dessous des rémunérations du service public) était légitime et ne posait pas de problème, si ce n'est :
- qu'il n'avait pas été initialement suffisamment chiffré par les Employeurs ;
- que l'administration centrale était également dans l'impossibilité d'obtenir des services déconcentrés de l'État, qui assurent notre Autorité de contrôle dans les départements, le chiffrage de l'incidence budgétaire du surcoût de l'avenant 11 concernant la rémunération des médecins dans l'enveloppe régionalisée du médico-social ;
- deux arguments qui avaient déjà été développés à propos de l'avenant 10.
3 - avenants 12 et 13
L'avenant 12, signé pour stabiliser la situation des médecins généralistes et l'avenant 13, destiné à permettre la formation continue des médecins, laquelle est obligatoire, mais sans délimitation de temps, ont été pareillement refusés.
Nous avons alors fermement indiqué (et confirmé par plusieurs lettres) que les médecins ne pouvaient continuer à subir les conséquences de textes réglementaires et de processus de négociation qui les avaient tenus à l'écart, tant de la loi Aubry 1, que la loi Aubry 2. Cependant, le vide réglementaire laissé par le rejet de l'avenant 10 doit être comblé sans retard (le fait que son rejet ait été invalidé par le Conseil d'État n'a rigoureusement rien changé à la situation) et, plus encore, il est indispensable de placer tous les médecins du secteur médico-social à égalité de traitement avec ceux du secteur public, tant au regard de l'ARTT (avenant 10), que du déroulement de carrière (avenants 11 pour les spécialistes et 12 pour les généralistes) et de la formation continue (avenant 13).
Après une dizaine de démarches auprès des Cabinets ministériels successifs, tantôt à l'initiative des Employeurs, tantôt de notre fait et une fois au moins en commun et après trois promesses formelles des Conseillers techniques et, en dernier lieu, le 5 Novembre 2002, du Directeur de Cabinet de Mme Marie-Thérèse Boisseau, la situation demeure bloquée et tous les recours gracieux que l'on nous a demandé d'effectuer ont été rejetés... Le chiffrage demandé a été remis à plusieurs reprises à la DGAS, mais maintenant, l'administration n'accepte pas de prendre en compte l'une des trois primes propres au service public et que touchent absolument tous les praticiens hospitaliers.
Après le troisième rejet des textes présentés et suivant les conseils mêmes de l'Administration, les avenants 11 et 13 ont été réécrits, de nouveau signés et représentés en Mai 2004 sous la nouvelle désignation d'avenants 14 et 15. Cette fois la DGAS n'a même pas jugé utile de les soumettre à la session de Juin 2004 de la Commission d'agrément.
Les médecins du secteur associatif constituent désormais la seule catégorie de personnel dont la grille de rémunération n'ait pas été réajustée depuis treize ans. Avec le temps de présence dérisoire qui leur est accordé, cet ensemble entraîne une dégradation de la situation matérielle et morale des médecins (spécialistes ou généralistes), qui aggrave le processus de pénurie et de démédicalisation dans ce secteur, qui entrave la fidélisation des médecins qui occupent pourtant une place reconnue comme nécessaire. Une solution doit donc être trouvée sans tarder. Elle ne semble plus pouvoir venir d'un revirement de l'administration sur les avenants que nous lui proposons, en accord avec nos Employeurs, ou de l'utilisation des souplesses budgétaires introduites par la nouvelle loi sur les Institutions sociales et médico-sociales (article 341-6) susceptible de ménager, dans certaines conditions, une latitude aux Employeurs à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire en matière de politique salariale.
Un moyen de pression plus énergique, à un niveau plus politique, paraît seul susceptible d'amener une prise en considération sérieuse de la nécessité des soins et de leur qualité, objectifs qui ne pourront pas être maintenus bien longtemps devant la fuite accélérée des professionnels concernés.
Jean-David ATTIA - SPF
Marc MAXIMIN - SNPP
Roger SALBREUX - SPS-CFE/CGC