De la dignité des professions libérales

Pierre Fichet
Retour au sommaire - BIPP n° 39 - Octobre 2004

Établi à partir du dictionnaire historique de la langue Française et du livre de Jean-Claude Michéa : Impasse Adam Smith.

Libéral : emprunté au latin liberalis (1175) Libre ; "qui concerne un homme libre" au sens figuré, psychologique de "digne d'un homme libre" c'est-à-dire satisfaisant, généreux.

Son sens étymologique "digne d'un homme libre" est sorti d'usage mais reste réalisé dans les syntagmes arts libéraux (1210) et surtout profession libérale (1845).

Comme terme politique, libéral est attesté pour la première fois en 1750. Cependant, le concept reçoit véritablement son acte de naissance avec la révolution et le mot se répand vers 1800. Il s'applique aux partisans des libertés politiques et joue un grand rôle au 19ème siècle.

Le concept économique est né d'une réaction envers les contraintes du colbertisme (1758 Quesnay) et modelé par la réflexion d'Adam Smith (1776).

À ce propos, il est intéressant de lire le livre de Jean-Claude Michéa (Impasse Adam Smith). Il affirme que l'idéologie retenue par les actuels économistes dits libéraux consiste en ce postulat – l'homme est un être rationnel qui agit au mieux de ses intérêts bien compris – (On ne peut réduire la pensée d'Adam Smith à ce postulat, lui-même étant plus nuancé dans ses propos, mais il arrive que les royalistes soient plus royalistes que le roi). Ce faisant, Jean-Claude Michéa en montre les conséquences : pour réaliser cet homme nouveau, il convient de l' arracher à ses idéologies, c' est-à-dire tout ce qui entrave son autonomie... et par idéologie entravante, il faut ici entendre certes les grandes idéologies comme la religion, mais aussi la famille, les racines, l'histoire, l'amour... Cet homme libéré de tout lien se retrouve dans les exhortations à la mobilité par exemple.

La conséquence de cette idéologie d'un homme purement raisonnable agissant au mieux de son intérêt bien compris, et Jean-Claude Michéa le montre bien, c'est que l'homme devient un prédateur pour l'homme.

Il montre également comment l' idéologie progressiste issue des lumières, loin d'atténuer les effets dévastateurs de cette pensée, au contraire la renforce, ne serait ce qu'en perpétrant l'idée de lutte des classes alors que celle-ci est aujourd'hui bien dépassée et désigne de faux ennemis laissant ainsi le capitalisme oeuvrer (ce que nous avons vérifié dans la succession d'un Juppé/Kouchner/Mattei ...).

Jean-Claude Michéa plaide pour un retour au socialisme originaire d'avant les lumières et développé un moment dans les classes pauvres d'Angleterre.

Il n'y a donc pas à rougir de notre statut de profession libérale, à condition d'en rappeler les origines, c'est-à -dire celle d'homme libre, assez libre pour interroger les fondements de notre discipline..., c’est-à-dire en se différenciant de l'acceptation économique actuelle du mot qui conduit à faire de l'homme un prédateur pour lui même.

Pierre Fichet
Amiens


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