Actualité syndicale

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 39 - Octobre 2004

La loi de réforme de la Sécurité sociale votée en juillet dernier est une loi cadre : la plupart des aspects pratiques est remise aux décrets d’application. La rédaction de ces derniers est actuellement en cours. Cependant, le moins que l’on puisse dire est que les nécessités propres à l’exercice de la psychiatrie sont encore fort loin d’être prises en compte.

Dossier Médical Personnel

Outil central de la réforme, le D.M.P. devrait être exhaustif dans l’esprit de nos tutelles, le remboursement des actes étant subordonné à leur inscription dans le dossier. En dépit de nos démarches auprès du Ministère et de la C.N.A.M.-T.S., nous n’avons encore à ce jour aucune garantie qu’il en sera différemment pour les psychiatres.

Une réunion devait se tenir le 13 octobre dernier à la C.N.A.M.-T.S. pour envisager les spécificités de fonctionnement des psychiatres libéraux dans le cadre de la réforme. Elle a été annulée sans explication quarante-huit heures plus tôt et, à ce jour, aucune autre date n’a encore été fixée. Nous avons bien sûr écrit au nouveau directeur de la C.N.A.M.-T.S. pour protester.

Réévaluation des honoraires

Dans le cadre de la Fédération Française de Psychiatrie, en collaboration notamment avec l’Association Française de Psychiatrie, la Société de l’Information Psychiatrique et le Collège National Universitaire de Psychiatrie, l’A.F.P.E.P. s’est investie depuis 1998 dans la réforme de la nomenclature des actes de consultations (C.C.A.M. clinique). Ce travail, nous ne craignons pas de le dire, a été payant.

Non sans mal, nous étions en effet parvenus au premier semestre 2004 à faire admettre à la C.N.A.M.-T.S. que l’acte de consultation du psychiatre devait rester un acte unique, offrant toutefois une possibilité de majoration en pédopsychiatrie ou, par extension, chaque fois que la prise en charge d’un patient imposait le recours à des tiers.

Après bien des réticences – le principe de la C.C.A.M. étant au contraire de décliner les consultations de chaque spécialité en divers types de plus ou moins grande complexité – la C.N.A.M.-T.S. s’était rendue à nos raisons et reconnaissait que, hormis les consultations des internistes, la consultation des psychiatres était l’acte clinique le plus complexe. Il était donc permis d’espérer que la mise en place de la C.C.A.M. serait l’occasion d’une nette revalorisation de notre acte au regard des consultations des autres spécialités.

Cependant, le 7 octobre dernier, le Comité de Pilotage de la C.C.A.M. a décidé de surseoir sine die à la mise en place de la C.C.A.M. clinique du fait de l’opposition des représentants des centrales médicales, notamment de la C.S.M.F.

Parallèlement, nous avons appris le 1er octobre dernier que le S.N.P.P. avait été débouté du recours introduit en 2003 devant le Conseil d’État pour inégalité de traitement des psychiatres par rapport aux autres spécialistes. Nous dénoncions dans ce recours l’augmentation moins importante des honoraires des psychiatres lors la mise en place de la M.P.C. La décision du Conseil d’État rappelle que rien dans la loi ni la réglementation française ne garantit que les psychiatres doivent gagner autant que les autres spécialistes et que, à ce titre, il n’y a donc rien de contestable dans la position de nos tutelles. Pauvres nous sommes, pauvres nous devons rester…

Accès du patient au psychiatre

La réforme de la Sécurité sociale pose le principe d’une régulation des soins de ville par le médecin généraliste, le patient s’adressant directement au spécialiste s’exposant désormais à des pénalités financières : augmentation du ticket modérateur et autorisation de dépassement d’honoraires accordée dans ce cas au spécialiste de secteur I.

Cette autorisation de dépassement d’honoraires en cas d’accès direct demeure cependant soumise à un accord conventionnel et sera encadrée. Il ne s’agit donc en rien d’un droit à dépassement comparable à celui du secteur II. En effet, non seulement le praticien de secteur II demeure libre de fixer son tarif dans les limites du tact et de la mesure, mais encore le dépassement en secteur II symbolise ici sans équivoque la valeur de l’acte.

Or, le droit à dépassement qui serait accordé au spécialiste de secteur I n’a absolument pas la même signification : loin de traduire la valeur de l’acte médical, il symbolise uniquement le fait que le patient ne s’est pas inscrit dans le parcours de soins recommandé par le législateur. C’est dire que, le plus souvent, le psychiatre ne pourra pas y avoir recours car comment pourrait-il sanctionner un patient d’avoir voulu préserver la confidentialité de sa démarche ?

Limité dans son montant, souvent impraticable dans les faits, ce droit à dépassement d’honoraires pour les spécialistes de secteur I nous semble donc un marché de dupe. C’est pourquoi nous avons clairement pris position pour demander que les psychiatres puissent continuer à recevoir librement les patients, à l’instar de ce qu’ont déjà obtenu les pédiatres et les gynécologues.

Conclusions

En conclusion, dans un moment où nombre de syndicats médicaux semblent rechercher une revalorisation de leurs honoraires hors du financement socialisé de la Sécurité sociale, nous persistons à penser que la seule position possible pour les psychiatres est de nous battre pour une revalorisation forte du tarif opposable.

Accepter le principe de dépassements généralisés, c’est accepter ipso facto que les assurances privées prennent une part de plus en plus importante dans le financement du système de soins, avec toutes les conséquences bien connues de risque d’exclusion des patients les plus sévèrement atteints que cela suppose en psychiatrie.

C’est pourquoi nous maintenons notre principal mot d’ordre de D.E. élargi lorsque les conditions locales le permettent. En effet, demander au patient, s’il le peut et s’il en est d’accord, de reconnaître avec nous que la valeur d’une consultation de psychiatre se situe au-dessus du tarif actuel en acceptant un dépassement modéré inscrit sur la feuille de soins c’est bien militer pour la revalorisation du tarif opposable en affirmant devant les Caisses l’alliance du patient et du psychiatre sur ce point.

En revanche, généraliser le droit à dépassement comme principal ressort de l’augmentation des honoraires des psychiatres, serait prendre à terme le risque d’exclure de nos pratiques les patients les plus fragiles sur le plan social. Au-delà, accepter le principe d’appliquer au patient un dépassement-sanction pour n’avoir pas suivi le parcours de soins recommandé, si tant est que cela serait possible dans notre champ, c’est à terme prendre le risque de disqualifier toute la médecine libérale.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE
Mâcon

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