Editorial
Du contrat social au contrat individuel
La crise financière n’est que l’avatar d’une évolution redoutable de notre Société, mais elle va avoir des conséquences dramatiques pour les citoyens en général et pour nos patients en particulier.
Dans le projet de contrat individuel que concoctent nos tutelles, il est explicitement dit que le médecin devra plier sa pratique aux décisions du Parlement et de la HAS. Nous pouvons y voir une intrusion du politique dans le colloque singulier de la consultation médicale, ce qui est la porte ouverte à toutes les dérives et aux conflits d’intérêt entre le patient et son médecin. Ce dernier se trouve de facto à la solde du pouvoir. Mais ce n’est pas tout. Avec l’ouverture des « négociations » conventionnelles aux assurances privées, nous pouvons percevoir un glissement progressif vers l’individualisation de contrats divers entre groupes d’influence et acteurs de terrain soumis à un chantage financier ou aux rétorsions réglementaires.
Les choses s’installent progressivement, de manière insidieuse. Rappelez-vous l’évolution de l’EPP comme de la télétransmission, il s’agit toujours du même processus : d’abord des expérimentations avec des volontaires, ensuite des expérimentations loco-régionales, maintenant une obligation statutaire et l’intéressement financier.
Le morcellement contractuel est très inquiétant. « Tout est possible », disait Sarkosy dans sa campagne. Nous étions prévenus.
Ne nous laissons pas abuser par les discours lénifiants qui jouent sur les mots et sur des notions apparemment généreuses de Santé Publique et de « bon sens ». Roselyne Bachelot semble croire à ce qu’elle dit. Mettons à son crédit son manque de philosophie politique et sa déformation commerciale.
Du contrat social des Lumières aux contrats individuels rémunérés, il y a là comme un glissement vertigineux, un malaise dans la civilisation.
Nous sommes en train de passer d’une Société de Droit Républicain (tous les hommes naissent égaux en dignité et en droit) à une société de contrats atomisés en proie au juridisme généralisé, alors même que l’autoritarisme s’exerce en haut lieu. L’Histoire nous montre que, derrière cet apparent paradoxe, il n’y a rien de contradictoire, il relève de la même logique sociétale. Une société totalitaire se fonde sur la raison du plus fort. La bureaucratisation envahissante, caractéristique des dictatures, s’accompagne inévitablement de petits arrangements éclatés pour survivre, de l’exacerbation des individualismes et du narcissisme des petits territoires.
Devant cette évolution, l’AFPEP-SNPP se mobilise et s’engage. Elle diffuse ses messages et agit à tous les niveaux de son domaine. De ses actions syndicales et son soutien à la Convention Nationale à l’organisation de ses colloques et son implication dans tous les lieux de rencontre et de réflexion où peut se jouer l’évolution de sa discipline (Tutelles, Centrales syndicales, CASP, Fédération Française de Psychiatrie, Associations amies, ALFAPSY, WPA…), elle lutte pour la sauvegarde du tissu social dont la Psychiatrie est un lieu paradigmatique. La prise de conscience ne cesse de progresser, la résistance s’organise, nous avons même pu l’observer au niveau mondial au dernier congrès de la WPA.
Saluons ici les adhérents sans lesquels rien ne serait possible et tous ceux qui engagent leurs compétences et leur temps dans ce combat.
Olivier Schmitt
Niort