La convention, ou comment faire tenir un paradoxe
À l’heure où j’écris ces lignes, il est impossible de savoir sur quoi débouchera la négociation conventionnelle en cours.
Le SNPP, du fait de son adhésion à la FMF, a été invité à participer à la négociation concernant les spécialités cliniques, ce qui me permet d’assister à ces séances interminables dont vous avez quelques échos dans la presse médicale.
Avant même de savoir ce qu’il en ressortira, il n’est pas inutile de planter le décor.
Cinq centrales participent à la négociation : CSMF, SML, Alliance, MG France, FMF qui invite aussi Espace Généraliste.
En face, l’UNCAM pilotée par son directeur, Frédéric Van Roekeghem et, pour les séances concernant le secteur optionnel, l’UNOCAM.
Premier point important : tous les partenaires sont conventionnistes.
L’UNCAM qui défend le pacte de solidarité et d’égalité des soins pour tous ne peut tenir ce projet que dans le cadre d’une convention nationale avec les médecins.
Les complémentaires qui, comme leur nom l’indique ont vocation à compléter le remboursement des honoraires, ont tout intérêt à ce que le socle de la prise en charge soit assuré par l’assurance-maladie et défini par la convention.
Les médecins, qui n’oubliant pas que la convention a fait prospérer la médecine libérale partagent le souci du maintien de soins de qualité pour tous.
Alors pourquoi tant de difficultés autour d’un projet commun ?
La convergence se limite probablement à l’énoncé du projet de convention.
Dès lors qu’il s’agit de choisir ce qu’il convient d’y mettre, les divergences apparaissent au grand jour, constituant autant d’écueils à la rédaction d’un texte.
Au nom du maintien de la solidarité sans majoration des prélèvements sociaux et obéissant à la commande politique - pas de dérapage des comptes publics -, l’UNCAM verrouille la tarification des actes et cherche à imposer la transparence au nom de la garantie de la qualité.
C’est l’idée que tous les soins ne sont pas de qualité et qu’il y a lieu d’en apporter la preuve (démarche EPP). Cette logique vient plomber le dialogue conventionnel en instaurant cette partition qualité - non-qualité que tout le monde s’empresse de dénoncer quand bien même elle est à la base du raisonnement.
Les complémentaires dans leur discours se gargarisent bien sûr de cette exigence de qualité pour élargir un propos à tonalité purement commerciale : acheter les soins le moins cher possible pour s’assurer de meilleurs bénéfices à la revente sous forme de primes d’assurance demandées aux adhérents.
Face à ces propos peu engageants, les médecins ont à cœur de revendiquer une tarification des actes à hauteur de la valeur réelle et actuelle et non pas le maintien des prix anciens qui n’ont pas évolué, le maintien de l’indépendance professionnelle et de l’autonomie dans la décision thérapeutique.
Quel texte pourrait rassembler des aspirations aussi divergentes ? Quelle est la force de chacun des partenaires ? Comment vont se nouer les alliances pour parvenir à un accord qui risque d’être très parcellaire ?
La CSMF et le SML ont avancé une première carte à propos du secteur optionnel en jugeant intéressantes les dernières propositions de l’UNCAM, là où la FMF et Alliance regrettent un texte extrêmement limitatif, quant à son champ d’application (praticiens de plateaux techniques lourds, chirurgiens, anesthésistes et gynécologues obstétriciens), quant aux conditions d’accès (les actuels praticiens de secteur II probablement peu tentés par l’aventure et tous les médecins de secteur I qui du fait de leur titre auraient pu choisir le secteur II) mais en laissant à l’écart les autres praticiens, issus du CES notamment, quant aux exigences demandées (démarche de qualité là où les autres ne le feraient pas !) et quant aux limitations des dépassements.
Cette négociation, fort loin de concerner les psychiatres, est emblématique de l’ambiance conventionnelle.
N’oublions pas la commande politique : limiter les compléments d’honoraires de secteur II. Là où il s’agirait d’inventer un nouveau cadre d’exercice unique et qui fasse référence, suffisamment fort pour s’imposer à tous, les signataires s’orientent vers un texte discriminant, insatisfaisant qui n’apportera rien de nouveau et laissera entier le problème des dépassements exorbitants, tout différent de la question des compléments d’honoraires permettant de réajuster l’acte à sa valeur tarifaire.
Les autres points en discussion dans cette négociation sont :
- le C à 23 ¤
- la proposition pour les généralistes du contrat individuel à la performance, axé sur les démarches de prévention mais où il apparaît que pour être bon médecin, il faudra avant tout avoir de « bons malades » tout à fait compliants, ce qui suffit à poser le problème inacceptable des conflits d’intérêt médecin-patients
- des mesures incitatives pour une meilleure répartition géographique des médecins, axe fort de la commande politique
- et la revalorisation des actes cliniques, seul point qui nous concerne pour le moment.
La discussion a été esquissée par le directeur, Frédéric Van Roekeghem qui pensait à nouveau s’appuyer sur le dispositif du parcours de soins pour valoriser la fonction de consultant expert qui a pourtant largement fait la preuve de son inapplicabilité en psychiatrie. La remarque lui en a été faite pour repositionner cette revalorisation dans le maintien d’une cotation unique pour tous les actes. Sera-ce possible ? Suite aux prochains épisodes, et bien sûr dans le respect de l’ONDAM qui va être fixé à 3,1 % dans la Loi de Finances de la Sécurité sociale qui doit être votée au Parlement avant la fin de l’année.
L’espace de la négociation est donc très serré. Là où il faudrait être inventif et abandonner des dogmes trop rigides, nous nous orientons vers une alliance politique, ministère, UNCAM, CSMF et SML pour faire passer un texte avant tout proche de la doctrine élyséenne relayée par Bercy.
Là où la FMF cherche à élaborer des propositions dans l’enceinte de la négociation conventionnelle et dans le cadre strict de celle-ci, véritable lieu de la représentation professionnelle, la CSMF et le SML font le pari d’accords en coulisse avec les forces politiques gouvernantes dans le but d’assouplir les mesures draconiennes nous concernant, mais sans espoir d’évolution favorable.
Ce grand respect de la procédure conventionnelle par la centrale que nous avons choisie, et son invitation à ce que nous participions à ce débat, nous confortent dans notre vote d’adhésion à la FMF lors de la dernière assemblée générale du SNPP.
Enfin, il me semble également que là où il est question d’être inventif pour élaborer un texte suffisamment souple pour relayer les aspirations des différents partenaires, nous pouvons rappeler que la proposition de la FMF du secteur unique à honoraires modulables reste la proposition la plus cohérente et la plus adaptée.
Yves Froger
Lorient