Pour le secteur médico-social

F. de Oña, Y. Cann, M. Maximin
Retour au sommaire - BIPP n° 53 - Novembre 2008

La loi Santé-Patients-Territoire et l'avènement de l'Agence Régionale de Santé vont légiférer et réguler tout un pan institutionnel complexe et riche regroupé sous l'appellation médico-social.

Dans cette perspective, nous proposons un état des lieux argumenté pour éclairer les orientations en cours avec le souhait de contribuer utilement à des décisions importantes pour la santé publique et le lien social.

Ce secteur important, tant dans le nombre de personnes qu’il concerne que par les services rendus, reste difficile à identifier pour les tutelles et souvent méconnu par les secteurs psychiatriques.

Rappel historique

La création du secteur médico social associatif est relativement récente, ses textes fondateurs sont le décret du 9 mars 1956 et l’arrêté du 7 juillet 1957.

Ce secteur a connu rapidement un développement considérable proposant souvent des pratiques nouvelles qui ont fait école et ont contribué à l'amélioration du soin, en intégrant la dimension éducative et pédagogique tout en tirant les leçons de la thérapie institutionnelle.

Cette réponse originale, associant dimensions thérapeutiques et sociales, répondait au problème de la prise en charge de longue durée dans les pathologies mentales, physiques ou sensorielles, qu'elles soient infantiles ou adultes.

Ce sont essentiellement des institutions pour enfants qui ont d’abord été créées, accueillant des déficients sensoriels, moteurs ou mentaux. Ces derniers, les plus nombreux, ont été successivement appelés inadaptés puis handicapés mentaux.

A la même époque Roger Mises individualisait les psychoses déficitaires parmi les psychoses infantiles et témoignait ainsi d’une articulation plutôt qu’un d’un clivage entre psychopathologie et handicap

Par ailleurs furent promulguées les 2 lois du 30 juin 1975, la première concernant les personnes et la seconde les institutions pour organiser tout ce qui concerne le champ du handicap.

Les enfants accueillis dans ces institutions vieillissant, les associations gestionnaires ont créé des établissements pour adultes, Maison d'Accueil Spécialisée, Centre d'Aide par le Travail, Foyer d’Accueil Spécialisé, Foyers, Foyer à Double Tarification, etc…

La fermeture progressive de plusieurs dizaines de milliers de lits psychiatriques a augmenté la charge de ces institutions.

Le secteur médico-social comprend également des structures de diagnostics et de soins comme les Centre d’Accueil Médico-Social Précoce et les Centre Médico-psycho-pédagogique qui répondent à une part importante des demandes de soins.

Au vu des chiffres de la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques, ce secteur accueille avec ou sans hébergement près de 450 000 patients dont 250 000 jeunes et 200 000 adultes dans environ 7 300 établissements dont 2 800 pour les enfants. Le secteur médico-social assure plus de 150 000 consultations psychiatriques par an et accueille en mode ambulatoire, semi-résidentiel ou résidentiel plus de 250 000 patients.

Il faut rappeler qu’en France la prise en charge des enfants présentant des troubles psychologiques est assurée pour une part importante par ce secteur, que ce soit dans une première phase de consultation et suivi ambulatoire au CMPP et CAMSP ou pour une prise en charge plus globale et plus longue dans les Institut Médico-Educatif, les Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique et les Services d'Éducation Spécialisée et de Soins À Domicile qui leur sont attachés.

Sur environ 80 000 jeunes enfants qui présentent des troubles psychologiques importants, nécessitant une prise en charge thérapeutique adaptée, plus de 70 000 sont accueillis dans les IME avec des moyens de prise en charge souvent limités mais un important savoir faire.

L’évolution de l’approche du handicap et ses conséquences institutionnelles

A / Nouvelle définition du handicap consacré par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2001

Elle repose sur un modèle d’analyse des inégalités sociales qui met plus l’accent sur les potentialités des individus que sur leurs difficultés.

Ce versant ramène les difficultés des personnes à des obstacles qui les empêchent de se réaliser souvent aux dépens de la dimension du soin et surtout du soin psychique.

Le handicap prend un caractère événementiel qui trouve sa source dans des facteurs contextuels et s’articule avec une rationalité qui reporte les problèmes sociaux aux services qu’ils requièrent et aux moyens supplémentaires qu’ils consomment.

Il n'y a rien à redire quant à la commande d'efficacité. Mais, en tant que médecin et psychiatre, nous nous devons de rappeler à quel point le sujet humain ne peut se réduire à une vision opératoire.

Le handicap social doit être évalué et pris en compte mais il doit également être intégré dans une dimension notamment plus large qui requière une offre particulière.

B / Les deux nouvelles lois dans le secteur médico-social

Loi du 2 janvier 2002 et de son décret financier du 22 octobre, qui est là pour rénover l’action sociale et médico-sociale.

Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Avec la loi 2002 nous assistons à une recherche de qualité pour apporter un service efficace et adapté au meilleur coût ; qualité calibrée par la mise en place d’indicateurs qui sont définis comme une collecte d’informations par les structures.

Démarche qui témoigne d’un choix, d’une logique de l’encadrement global des dépenses de la structure et des modes de travail.

Avec la loi 2005 il est parlé de la scolarisation, de la création de la Maison Départementale des Personnes Handicapées et s'installe la notion de handicap psychique. Cette loi définit la prestation de compensation personnalisée qui prend en compte les besoins de la personne, singularité d’une réponse à un projet individualisé.

Le concept nouveau de handicap psychique veut souligner les difficultés dans la vie quotidienne et sociale des personnes présentant des troubles psychiatriques. Il se distingue du handicap mental essentiellement par trois différences : la personne handicapée psychique n’a pas de déficience intellectuelle à proprement parler, elle est très médicalisée et enfin son handicap est essentiellement variable.

Que la maladie mentale crée un déficit dans l’adaptation à la réalité et à la société, nul doute.

Que des mesures compensatoires soient prévues et améliorées certainement.

Mais pourquoi ce glissement vers ce concept nouveau de handicap psychique, qui oriente et justifie une prestation prioritairement dans le secteur médico-social, voire dans le social, sans une évaluation sérieuse des implications dans l'offre de soins psychiatriques ?

Par ailleurs le droit d’inscrire à l’école tout enfant qui présente un handicap constitue un élément fondamental de cette loi : la scolarisation en milieu ordinaire est posée comme principe. Devant la problématique que représente la scolarisation d’enfants handicapés mentaux, on ne peut que regretter l’absence d’instances de réflexion et d’élaboration avec tous les professionnels concernés sur des sujets aussi complexes.

Évolution

Évoquer « le médico-social » tient toujours de la gageure car nous sommes face à un champ d'intervention multiforme, disparate, interdisciplinaire comprenant des établissements pour enfants, adolescents et adultes "handicapés" et pour lesquels une ligne directrice simple est toujours problématique à définir.

Les nouvelles lois génèrent des nouveaux règlements et modifient les modes de fonctionnement des institutions. L’accumulation de toutes ces réformes a entraîné un brouillage des repères, une difficulté à penser au risque de passage à l’acte déspécifiant et désorganisateur. Un temps de travail de réappropriation de tous ces textes doit pouvoir s’effectuer afin que la mise en perspective et l’élaboration nécessaire à ces pratiques interdisciplinaires de travailleurs sociaux et de soignants se poursuivent.

Le secteur médico-social voit son champ d’exercice s’étendre de plus en plus tant sur le plan de la diversité de ses structures que des pathologies accueillies.

La création massive et prioritaire d’unités à prises en charges ambulatoires et de proximité empreint d’un désir d’intégration, ne doit pas se faire aux dépens du soin au risque de renforcer l’exclusion. Si le maillage des soins existants doit évoluer, il serait fort dommageable que cela se fasse aux dépens de l’existant qui a déjà prouvé son intérêt.

Une prise en compte de ce qui est en place, des différentes modalités d’accueil articulé à ces nouvelles pratiques nécessite, avec tous les professionnels concernés, une élaboration cohérente et structurante au vu des pathologies reçues.

La mise en place des MDPH, dans un désir de regroupement et de cohérence, se doit d’éviter une stigmatisation du handicap et surtout nécessite pour fonctionner des moyens adaptés à leurs objectifs. Il serait préjudiciable qu’une vision essentiellement technocratique conduise ce secteur dans les impasses que susciterait le décalage entre organisation administrative et réalité du travail en institution.

Depuis quelques années le secteur médico-social a été mieux associé au champ de la psychiatrie sans pour autant se confondre avec lui.

L’Agence Régionale de Santé doit apporter plus de précisions concernant ce partenariat de soin entre l’hôpital et la psychiatrie de ville.

L’éducation nationale est devenue un collaborateur omniprésent avec la scolarisation de tous les enfants et les nouvelles données de ce partenariat ne doivent en aucun cas aboutir à une confusion des rôles de chacun et respecter les missions et prérogatives différentes afin d’assurer la meilleure collaboration et synergie possible.

Conclusion

L’évocation de ces différents axes de travail dans ce secteur met en évidence la nécessité que les acteurs de la prise en charge du handicap soient représentés de manière significative dans l'élaboration de ces réformes.

Le psychiatre, dans le médico-social, a été marginalisé et sa présence réduite. Il est de plus en plus difficile pour le médecin de garantir et de penser le soin avec les équipes et permettre ainsi que s’élabore un travail sur l’institution thérapeutique.

Cette difficulté est corroborée et accentuée par le glissement du soin vers l’accompagnement. L’intitulé « projet individualisé d’accompagnement » remplacerait dorénavant l’appellation « projet individuel pédagogique, éducatif et thérapeutique ». Comment faut-il comprendre cette notion d’accompagnement qui viendrait effacer le pédagogique, l’éducatif et le thérapeutique ? Nous ne pouvons que nous interroger sur ce nouveau glissement sémantique et sur ses implications.

Cet état de fait, associé à la diminution du nombre des psychiatres, entraîne une démédicalisation galopante qui ne fait que s’accentuer et a des conséquences sur les prises en charges. La chute de la démographie des psychiatres qui va se renforcer dans les années à venir touchera en premier lieu le médico-social au moment même où nous assisterons à un transfert de mission du sanitaire au médico-social.

Pour toutes ces raisons, les psychiatres souhaitent participer à l’élaboration des projets concernant le secteur médico-social.

Frédérique De Oña - Paris
Yannick Cann - Brest
Marc Maximin - Marseille
Secrétariat au médico-social de l’AFPEP-SNPP


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