Nantes - Journées Nationales 1980

La psychiatrie et les contrôles

Il est enfin venu, le joli temps des contrôles,
Le temps du dogme, et celui de la norme,
Le temps du nombre et du chant statistique,
Le temps de l’ordinateur, le temps terminal…

Les contrôles, déjà nous connaissions, sous toutes leurs formes, à tous les niveaux, que nous soyons acteurs ou victime, révoltés ou soumis – nous prétendions, en deçà ou au-delà d’eux, préserver un certain débattement dans la relation entre soignant et soigné, offre et demande, parole et écoute : ce débattement, pulsation fragile, que certains dénomment liberté – liberté de choix, de refus, d’être…

Il est venu le temps où, enfin, sera matée l’insupportable liberté, la fin du gaspillage et du n’importe quoi, le temps de la maîtrise des coûts, des méthodes, du bon usage et de la qualité, le temps où chaque geste, chaque mot, sera posé dans son prix et son utilité, le temps où tous sera classé, trié, ordonné, le temps sans erreur, sans perte, sans marginalité, le temps enfin où, il ne pourra plus y avoir ni fous, ni psychiatres – ou bien tous le seront.

Il faudra bien choisir, entre poire et fromage, angoisse et délire…

Médecins, nous avions un double repérage, entre éthique et vérité scientifique. Désormais, enfin, est advenu

Le temps de la moyenne,
Le temps de la normalité.

Les Xièmes Journées de la Psychiatrie Privée, Journées anniversaires, se trouvent centrées en leur thème par une actualité brûlante qui vient dramatiser encore, s’il se peut, une problématique fondamentale pour notre exercice et son éthique, selon des enjeux qui ont déjà été analysés pour partie au cours des VIIIes et IXes Journées.

Articulés autour de trois « modèles » :

  • Les contrôles médicaux-sociaux,

  • Auto-contrôle et validation scientifique,

  • Les contrôles de la Cité.

Les débats auront à cerner l’étendue, le poids et les conséquences de systèmes de contrôle dont l’omniprésence s’accommode aussi bien de l’oppression la plus patente que de l’introjection la plus insidieuse.

Psychiatres, nous intervenons dans un champ qui se déploie à la charnière du personnel et du social, là où se joue toute liberté. Nous nous trouvons responsables, garants, qu’un tel jeu demeure ou redevienne possible. Face à l’emprise sans cesse accrue des multiples processus de contrôle, il est désormais urgent de leur assigner des limites dont nous ne saurions accepter la transgression : butée certes, mais tout autant démarche active, qui pourrait trouver à se définir dans une « Charte des Psychiatres », dont le principe a été posé lors des IXes Journées, et dont il sera largement question ici.