Versailles - Journées Nationales 1983

La solitude

La solitude, maître-mot ou paradoxe de la condition humaine ?

L’histoire des sociétés, l’histoire des civilisations ne peuvent-elles se lire du côté du sujet comme combat – aussi constant que désespéré – contre une radicale solitude ?

L’amour n’est-il pas dénégation de la solitude comme malédiction, son échec confirmation de la solitude comme condition structurante ?

L’ascèse n’est-elle pas pour l’essentiel avènement d’une solitude non plus seulement reconnue mais assumée ?

Quels rapports intimes entre l’angoisse de la solitude et celle de la mort ? À quel point l’événement psychopathologique ou supposé tel vient-il s’articuler avec l’échec du sujet dans l’organisation de ses défenses au regard de la solitude et/ou de la mort ?

Solitude, Isolement, Isolation…

Condition, Échec, Conduite…

Acceptation, Refus, Choix…

Le malade est-il victime de sa solitude, ou victime de sa défaillance à l’accepter, la combattre, ou la conjurer ?

La solitude est-elle féconde ou pathogène ? L’isolement comme rejet, l’isolation comme recherche, ne sont-ils pas formes ultimes d’une dénégation de la solitude ?

Le thérapeute doit-il nier ou voiler la solitude, combattre l’isolement, recourir à l’isolation ?

Que doit-il faire de sa propre solitude, là où interfèrent l’homme et le technicien ? Le dédoublement est-il possible ? Le communautaire, scientifique, professionnel, éthique, n’est-il pas refus nécessaire d’un isolement pour mieux assumer le solitaire de l’engagement et de la décision ? Ou le thérapeute doit-il tout faire pour renoncer à cette ultime solitude technique ?

L’être seul et l’être social sont-ils contradictoires ? En déniant ou en se posant comme terme d’alternative à la solitude individuelle, le social ne débouche-t-il pas d’autant plus sûrement sur l’isolement, par isolation d’un échec personnel aussi répétitif que fallacieux ? La philosophie de la masse annule ou exalte-t-elle le désespoir individuel ?

Au carrefour du technique et du politique, de l’anthropologique et du métaphysique, de tels questionnements nous interpellent au plus profond – au plus creux tout autant parfois – de nos pratiques. Là où l’homme soignant rejoint inexorablement l’homme soigné, même si l’un ou l’autre rôles sont en soi tentatives ultimes de barrer cette rencontre…