La passion de la rencontre

Anne Desvignes
Retour au sommaire - BIPP n° 63 - Décembre 2012

Curieux des différentes façons de penser, ouvert aux idées des autres, réfléchissant sur sa pratique, s’il avait une grande faculté à associer tout cela pour en tirer une synthèse personnelle, Antoine avait parfois des difficultés à l’exposer verbalement. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » disait Boileau, Antoine le démentait totalement. Était-ce parce que son cheminement intellectuel était toujours en mouvement ?

Homme de convictions mais aussi de tolérance, il aimait bavarder, discuter. Il agaçait parfois par son discours aux chemins détournés par des digressions qui suivaient ses associations d’idées au fil de sa réflexion. Il n’en voulait à personne si on l’arrêtait, il connaissait ses travers. N’est-ce pas cette grande qualité qui lui conférait sa liberté et son honnêteté ?

Il en était de même pour ses écrits ou la retranscription de ses interventions orales en vue d’une publication. Nous avons beaucoup échangé à ce sujet car je partageais avec lui ces difficultés d’expression. Je garde le souvenir, lors des corrections, d’un travail parfois difficile mais passionnant. Me positionnant en lectrice candide, je lui demandais de préciser tel ou tel point, de m’expliquer en d’autres termes ce qu’il voulait dire. Il semblait toujours disponible et ses réponses étaient accompagnées de patience et de gentillesse. Lorsque nous parvenions au terme de la correction d’un texte, il m’exprimait avec simplicité sa reconnaissance de l’avoir aidé.

Antoine aimait parler, de tout ; de sa famille, l’admiration qu’il avait pour Laurence son épouse artiste et l’attention de père qu’il avait pour ses filles ; de ses rencontres professionnelles et culturelles, cultivant ces relations auxquelles il donnait tant d’importance ; de son activité de psychiatre et de psychanalyste où il faisait preuve d’une grande originalité ; de ses engagements qui le faisaient parcourir le monde ; et... le sport, les travaux dans son cabinet, toutes ces choses qu’il vivait avec une égale passion. Il n’hésitait pas non plus à exposer les obstacles et difficultés auxquels il était confronté ; il avait une grande capacité à rebondir en dépit des épreuves.

Comment parvenait-il à concilier tout cela ? Quelle était sa perception du temps ?

Lorsqu’il dansait au cours des soirées festives des congrès, apparaissait concrètement qu’il pouvait puiser au fond de lui une énergie et une endurance qui se manifestaient dans une sorte de déchaînement accompagné de jouissance joyeuse. Dans cette danse extravagante, n’exprimait-il pas son bouillonnement intérieur ? Antoine parlait aussi avec son corps.

Arrivé à l’âge où l’on prend sa retraite, Antoine s’est retiré, totalement, comme il vivait, totalement.


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