Etre psychiatre aujourd’hui : des fondamentaux aux propositions concrètes
Les fondamentaux de l’AFPEP – SNPP
– Une politique de santé en permanence centrée sur le soin et sur la solidarité (l’assurance maladie doit garantir la protection sociale et permettre l’exercice des psychiatres privés en respectant les règles déontologiques inhérentes à notre pratique du soin).
– Les conditions intangibles d’un soin conforme à notre éthique et notre déontologie sont et resteront : l’indépendance professionnelle consubstantielle à une réelle responsabilité, la confidentialité et le strict respect du secret professionnel, le respect du libre choix du psychiatre par le patient.
– La formation du psychiatre est permanente ; elle repose sur : la formation initiale qui fait toute sa place à la psychopathologie, avec une ouverture sur les sciences humaines autant que les neurosciences, la relation soignante, les différents modes d’exercice et en particulier l’exercice privé. La formation continue qui se doit de rester strictement à l’initiative et sous la responsabilité des praticiens au fait de leur exercice spécifique.
– Les modes d’exercice des psychiatres privés constituent une richesse clinique et thérapeutique à condition de préserver leur diversité et leur adaptabilité aux situations et aux patients. L’AFPEP – SNPP affirme plus que jamais la nécessité de cette diversité et de la complémentarité des modes d’exercice dans l’organisation des soins en psychiatrie, sans avoir à jouer sous quelque forme que ce soit les supplétifs du service public.
– Le cadre du soin doit prendre en compte et respecter le temps nécessaire à la consultation, l’indispensable relation de confiance avec le patient, la disponibilité pour assurer la continuité de la prise en charge dans sa complexité ; ce qui nécessite un acte unique incompressible, indivisible et donc, substantiellement revalorisé pour ne pas altérer sa qualité, garante d’un soin efficace. Cette qualité garantit une réelle économie du coût de la santé.
– La fonction soignante constitue le coeur de notre exercice, et donc, il nous faut réaffirmer notre fonction première : le traitement de la souffrance psychique et des patients atteints de troubles psychiatriques, sans restriction du champ d’exercice. Nous affirmons notre refus de la réduction à une fonction expertale. Nous soulignons la prise en charge de files actives équivalentes de patients et de pathologies graves dans la pratique privée et dans le service public.
– La spécificité de notre pratique centrée sur la personne et sa souffrance psychique induit un acte où le diagnostic et le pronostic ne sont pas figés ni définitifs. Notre souci reste avant tout la prise en compte de la dimension évolutive du patient, de la complexité de sa problématique.
– Le libre choix des techniques, tant psychothérapiques que biologiques ou sociales. Le psychiatre ne peut se contenter des seules « données acquises de la science » ou de l’Evidence Based Medicine, qui représentent des données beaucoup trop partielles dans son champ d’intervention. Il prend en charge l’intégrité de la personne souffrante, alors que les neurosciences actuelles et les études sur les médicaments et les comportements ne peuvent qu’apporter une vision partielle et réductrice. Les recommandations de la HAS, comme les travaux à vocation de publication dans les revues internationales à impact factor, ne sont qu’un outil et le praticien doit impérativement garder une totale indépendance dans sa pratique et décider en conscience des modalités de son intervention thérapeutique. Nous défendons une polyvalence des pratiques face à une demande de soins hétérogène.
Les empêchements
- La prévalence des normes et des objectifs fondés sur des critères comptables, prétendument scientifiques ou sécuritaires, tels qu’ils figurent dans les textes législatifs ou/et administratifs sur la santé et plus particulièrement sur la psychiatrie (loi HPST, loi du 05/07/11, Plan psychiatrie santé mentale, dispositions conventionnelles avec l’Assurance Maladie).
- Le démantèlement progressif de la protection sociale des patients qui freine ou entrave l’accès aux soins. – L’insuffisance des moyens dévolus à la psychiatrie.
– Les modalités du parcours de soins qui pénalisent arbitrairement l’accès direct au-delà de l’âge de 26 ans. – L’insuffisance démographique et sa mauvaise répartition sur le territoire limitant la disponibilité des psychiatres et faisant obstacle à l’accès aux soins.
– La formation initiale qui tend à réduire la part des sciences humaines et la dimension de la relation intersubjective, ajoutée à la méconnaissance du mode d’exercice privé chez les psychiatres au décours des études ou lors de stages d’internat.
– Le découragement à exercer en libéral du fait des contraintes et tracasseries administratives et réglementaires portant atteinte au cadre du soin (cf. la télétransmission et les sanctions, les normes imposées pour les cabinets de consultation…
– La non-reconnaissance financière de l’acte de consultation (la valeur du CNPsy a été considérablement dépréciée au fil des années).
– L’orientation du Plan psychiatrie santé mentale visant à restreindre le champ d’action des psychiatres en fonction des pathologies à traiter.
– L’aberration de la mise en place des soins ambulatoires sans consentement par la loi du 05/07/11 et l’atteinte au secret professionnel et à la relation de confiance avec le patient, sa dérive sécuritaire incompatible avec toute déontologie médicale et psychiatrique.
– L’exigence d’une illusoire prédictivité et ses redoutables effets.
– Les recommandations partiales et inconséquentes de la HAS.
– La dégradation des relations entre l’assurance maladie et les praticiens : menaces de sanctions, aveuglement par rapport aux nécessités du soin, incitation aux conflits d’intérêt, non respect de l’indépendance professionnelle…
Les propositions de l’AFPEP – SNPP
– Le retour à une démographie suffisante et un aménagement du territoire favorisant une meilleure répartition des praticiens.
– Un accès direct aux soins pour tous les patients, sans pénalisation.
– Une formation complète des internes et psychiatres en formation comprenant une approche de l’exercice privé par les praticiens concernés (cours et stages chez le praticien).
– Une revalorisation substantielle de l’acte de consultation.
– Un réel partenariat avec l’assurance maladie qui soit respectueux des praticiens: refus de principe des sanctions et des conflits d’intérêt, refus des protocoles figés et de l’homogénéisation des pratiques, refus du paiement à la performance.
– Une récusation des soins ambulatoires sans consentement et du glissement vers une fonction sécuritaire.
– Un assouplissement des normes « handicapés » qui ne doivent pas être utilisées pour fermer les cabinets de consultation déjà existants.
– La garantie d’un cadre de soin qui préserve de façon absolue l’indépendance professionnelle ainsi que la stricte confidentialité.
Pour conclure
Si nous réaffirmons encore et toujours ces fondamentaux dans les conditions de notre exercice de psychiatre privé, c’est autant pour préserver un soin de qualité à nos patients que pour aider nos tutelles à penser et à réfléchir avec nous plutôt que contre, dans un retour vers un respect mutuel plutôt que dans l’accentuation d’une défiance. Nous sommes à même d’assurer un soin de qualité dans une économie de moyens à condition que cet exercice ne soit pas entravé. L’AFPEP – SNPP poursuit indéfectiblement ce but d’une qualité de soin dans le respect de la personne, en n’omettant aucun des points édictés dans la charte de la psychiatrie et dans le manifeste de la psychiatrie libérale. Cela doit nous permettre de continuer à être psychiatres, aujourd’hui comme hier et demain.