Aïe ! Proposition de loi
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 16 octobre 2012
PROPOSITION DE LOI
visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, (Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) présentée par Mesdames et Messieurs Bruno LE ROUX, Fanélie CARREY-CONTE, Laurence DUMONT, Hervé FÉRON, Richard FERRAND, Chantal GUITTET, Denys ROBILIARD, Christian PAUL et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1) et apparentés (2), députés.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L’article L. 112-1 du code de la mutualité est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les mutuelles ou unions peuvent toutefois instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins ».
AÏE !
Je vous ferai grâce du déluge de bonnes intentions qui motivent ce projet de loi. Il traite comme à l’accoutumée de régulation des coûts, de maîtrise des restes à charge pour les familles, d’amélioration de la qualité de l’offre, de la panacée que constitueraient les réseaux de professionnels, et bien entendu de faciliter l’accès aux soins. BLABLA- BLA.
Il s’agit cependant ni plus ni moins de la survenue de ce que nous craignons depuis des années, à savoir le plagiat point par point des systèmes de santé américain et suisse, qui comptent pour être les plus chers et les plus inégalitaires du monde, qui bafouent certaines des règles les plus élémentaires de la Médecine : choix du praticien, indépendance professionnelle, accès pour tous, solidarité nationale.
Imaginez le scénario à terme : selon le parcours de soin, les correspondants médicaux négociés, le niveau de cotisation, les pathologies en cause, les entreprises partenaires, les mutuelles proposeraient un certain niveau de remboursement. Le marché étant ce qu’il est, les mutuelles et assurances, au fur et à mesure, se rachèteraient les unes les autres, deviendraient des mastodontes financiers incontournables, et négocieraient en position de force des panels de soins avec les hôpitaux, l’hospitalisation privée, des réseaux de professionnels regroupés en « maisons médicales » accréditées. Elles imposeraient ainsi les prix.
Pour parvenir à la « bonne coopération » des médecins, toutes sortes de normes seraient établies et accoutumeraient les professionnels du soin à se soumettre « volontairement » sous peine de dé-conventionnement. Par ailleurs, les mutuelles, tout comme les assurances, développeraient leurs « coeurs de métier », gèreraient des portefeuilles (publicité en page 5 du journal « Le Monde » daté du 11 et 12 novembre 2012), de l’épargne, pourquoi pas des retraites, etc. et négocieraient la gestion de la médecine avec le gouvernement au milieu d’autres dossiers sensibles dont elles auraient la charge : « je te prête tant si tu m’accordes tant sur tel dossier », ce qui ne serait en rien favorable au système de soins.
L’AFPEP – SNPP a très tôt alerté des dangers des conventionnements individuels, de la mise en place du CAPI, du glissement de la prise en charge des soins de l’assurance maladie vers les contrats d’assurance privés : notre analyse de la politique menée depuis des années se trouve confirmée.
Le modèle américain et suisse montre ses béances. Sommes-nous obligés de le suivre ? Est-ce la marche de la modernité ou un choix politique ? Est-ce une voie démocratique que de créer des lobbies aussi puissants ? Le choix de l’assurance maladie pour tous tel que nous la connaissons jusque-là n’est-il pas à maintenir et à privilégier ? Les médecins doivent-ils devenir des salariés des mutuelles ? Est-ce la fin de la médecine libérale telle que nous la connaissons qui se programme ?
Ces questions sont au centre d’un débat stratégique.