Mon cher Antoine,
Je ne sais si quelque part tu pourras lire ces lignes que j’écris pour toi, mais comme je sais que tu crois comme François Mitterrand à la force de l’esprit, je pense que cela est possible.
C’est possible, car tu as de tout temps été l’homme des oeuvres qui paraissaient impossibles. Réunir les psychiatres de différentes églises autour de ton projet de psychiatrie humaniste, réunir au-delà de la France et jusqu’en Australie ou en Argentine différents acteurs de la discipline et les convertir à ta cause.
Quand naturellement tu as pris en juin dernier les rênes d’Alfapsy , nous tous derrière toi savions qu’à l’image de Paul Lacaze tu serais un grand président conciliateur, rassembleur et diplomate. Jusqu’à tout récemment à Bordeaux, tu étais là pour empêcher le schisme dans cette autre association qui t’est chère, l’AFPEP. Tu nous déclarais dans la foulée que les psychiatres Algériens pourraient bientôt revenir militer avec nous. Tout cela, c’est ton oeuvre.
Je t’ai connu Antoine à la Guadeloupe, il y a de cela bientôt dix ans. Ton accueil fut d’emblée chaleureux et spontané. Par la suite, bien des rencontres nous ont réunis, en France, en Tunisie et dans bien d’autres pays, comme le Maroc, l’Algérie, la Suisse, le Sénégal, la république Tchèque, l’Argentine… Tu as toujours été cet homme mû par une extraordinaire énergie. Combattant engagé. Sûr de ta cause. Tu t’es lancé à l’assaut de cette citadelle de l’organicité, de la pharmaco-obédience et de l’evidence-based medecine qu’est la WPA. Et tu as, là encore, su convaincre, sensibiliser ; et partout où tu passais tu ne pouvais t’empêcher de semer les graines de cette psychiatrie centrée sur la relation et la clinique psychodynamique qu’avec Juan Mezzich, ancien président de la WPA, est devenue la psychiatrie centrée sur la personne.
Travailler avec toi fut un grand plaisir. Tu avais le don d’écouter. Tu n’étais jamais l’homme d’une idée préconçue, d’une certitude ancrée. Tu savais te laisser convaincre comme tu étais capable de persuader. Tu avais une vision globaliste de la psychiatrie et tu souhaitais porter au-delà des frontières poreuses de la France, cette tradition de la psychiatrie francophone associant les dimensions psychanalytiques, cliniques et sociales de la maladie mentale.
Tu m’as beaucoup appris et je te dois beaucoup.
En Tunisie, nous pleurons ta disparition, mais tu es et tu resteras un ange qui apaisera nos pensées.
Adieu l’Ami.