Le spectre autistique exagère

Alain Gillis
Retour au sommaire - BIPP n° 63 - Décembre 2012

J’avais été invité à intervenir en Octobre dans le cadre des Séminaires Maldiney organisés à Toulouse par l’Université Toulouse – Le Mirail. Je devais y exposer certaines réflexions d’ordre psychologique et phénoménologique concernant mon expérience (passée) de la pratique du Holding et du Packing avec les enfants présentant des troubles autistiques.

Quatre jours avant la date prévue j’apprends par téléphone qu’il y a un problème : le séminaire est supprimé à la demande d’une association opposée au packing… Compte tenu de l’interdiction (non-recommandation) du packing par la HAS, si la conférence était maintenue l’université pourrait être dénoncée auprès du ministère concerné par l’association en question, pour non respect des dispositions légales concernant une pratique interdite. Par ailleurs une « manif » est appelée, via Facebook…

Les autorités de l’Université redoutant d’être sanctionnées par une éventuelle réduction de crédit vont donc annuler la conférence et le débat prévus. Des quelque 15 années de pratique du Holding et des packs avec des enfants, autistes ou non, nous ne pourrons rien dire. Rien de cette expérience ni de sa théorisation ne sera communiqué.

Le phénomène n’est pas nouveau et comme on le sait il a pris naissance dans une critique souvent violente de la pratique de Pierre Delion, dénigré pour avoir osé garder une référence à la psychanalyse tandis qu’il aurait dû mettre en oeuvre des méthodes comportementalistes. Aujourd’hui que la cause est entendue et que nous ne pouvons plus pratiquer le packing, est arrivé le temps du contrôle et de la surveillance. Le packing est un objet très commode, très facile à utiliser pour susciter les fantasmes de maltraitance, il est donc tout désigné pour entretenir la méfiance envers les praticiens qui refusent les simplicités du behaviorisme.

On entend ainsi empêcher qu’une réflexion sur l’autisme, intellectuellement plus ambitieuse, ne se développe plus avant. Une réflexion qui ne serait pas obsédée par la réduction de la pensée et de ses troubles à un modèle neurologique hâtivement convoqué pour « faire science ». Les propositions des comportementalistes, accordées à une rationalité de surface sont évidemment plus faciles à comprendre et à divulguer… Elles sont donc sans cesse mises en avant pour couper court à la réflexion et aux échanges qui peuvent être présentés comme de fumeuses considérations comparées à un pragmatisme qui se réclame des « Lumières » nouvelles.

Ce qui m’est arrivé à Toulouse arrivera à d’autres. Cet incident permet de mesurer la fragilité des institutions – y compris de l’Université – confrontées à la crainte d’une sanction budgétaire. Il s’ensuit une très sensible restriction de la liberté de penser et de poursuivre l’échange des points de vue, en l’occurrence sur la nature et sur le traitement des troubles autistiques.

Notons pour finir que les recommandations de la HAS peuvent servir à interdire toute réflexion dès lors que l’on choisit de les interpréter de la manière la plus contraignante qui soit. De la non-recommandation à l’interdiction… d’en parler.


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